Le cinéma de Hong Kong
d’après le témoignage de Julia Wang, productrice et distributrice à Hong Kong
L’industrie du cinéma de Hong Kong est tournée sur la distribution vers l’Asie du Sud-Est, la Chine, la Corée, le Japon, la Thaïlande, etc., et l’Inde. Pour ce dernier pays qui ne dispose pas de gros moyens, la condition d’importation est 80 % d’action puisque les films ne sont pas doublés (ils ont des sous-titres en anglais). Les Indiens sont férus des bagarres à la chinoise à la sauce Kung Fu.
Un film doit se faire le plus rapidement possible, en moyenne entre 4 et 12 mois. Plus il est rapide, moins il coûte cher et donc plus il est susceptible de rapporter de l’argent. Bien entendu, il y a des exceptions dont le plus célèbre est Wong Kar-wai (né en 1958) réputé pour sa lenteur relative à réaliser ses films.
Plus que le producteur, c’est le metteur en scène qui est le grand maître d’oeuvre d’un film. Il jouit d’un pouvoir quasi suprême. S’il se révèle par trop incompétent, il est immédiatement remplacé, mais ceux qui sont reconnus exercent leur métier avec beaucoup de compétence imposant le respect et la confiance de tous.
Depuis quelques années, Hong Kong connait un déclin de son industrie cinématographique, alors que les autres régions d’Asie du Sud-Est continuent leur essor. Ce déclin est lié au piratage qui permet à tous de se procurer des films à très bas prix sans avoir à se déplacer dans les salles de cinéma du fait de la qualité des télévisions et des moyens de copier les films.
D’autre part, le marché chinois qui domine désormais la production hongkongaise est marqué par une censure où la Chine doit être montrée sous son jour le plus favorable. Cela signifie qu’un scénario est soigneusement contrôlé avant de recevoir l’aval du pouvoir, d’où une baisse de qualité. Le cinéma actuel souffre d’un manque de scénaristes, non par manque de talent, mais du fait de contraintes qui limitent par trop la densité de l’histoire.
La majorité des productions sont aujourd’hui une co-production entre Hong Kong et la Chine qui contrôle ainsi la majorité du cinéma hongkongais. Entre ce cinéma commercial souvent lénifiant, beaucoup de passionnés se sont lancés dans une production indépendante, mais à leurs risques et périls. Les indépendants disposent évidemment de moyens limités et ne peuvent engager de stars, mais font preuve d’un grand talent.
Si un film moyen coûte environ 5 millions d’euros, une petite production utilise quelques centaines de milliers d’euros ce qui est insuffisant pour atteindre un large public. Exception, un film relatant les problèmes sociaux dans le nord des Nouveaux Territoires, Nights and days à Tin Shui Wan, a connu un succès d’estime grâce à son réalisme. Le film, relatant les nombreux problèmes et drames sociaux du fait de l’afflux d’immigrants chinois, a suscité l’intérêt d’un public à Hong Kong qui a fait la Une de la presse locale.
Le cinéma indépendant ose aborder des sujets tabous en Chine comme la prostitution des femmes chinoises (non officiellement reconnue par le gouvernement), la mafia, l’immigration clandestine, etc. Concrètement, le cinéma indépendant représente à peine 5% du marché.
Andy Lau (né en 1961) et Eric Tsang Chi-wai (né en 1953), deux acteurs extrêmement populaires à Hong Kong jouent un rôle majeur pour la promotion d’un cinéma indépendant et créatif. Tout le reste, 95%, est du cinéma commercial contrôlé par le gouvernement même s’il ne participe pas à son financement d’origine privée.
Le type de films qui marche le mieux à Hong Kong est une comédie sur fond de romance. Le film emploie deux ou trois idoles du moment pour un budget relativement restreint puisque l’action est surtout humaine. Le scénario doit être drôle autant que romantique. Une femme rencontre un homme riche et se retrouve du coup plongée dans un univers d’argent et de luxe.
L’humour dans les dialogues et les situations est une condition absolue pour sa réussite. Les Chinois aiment un langage cru et populaire avec des situations qui vont souvent jusqu’à la caricature même si elles conservent leur crédibilité. Le chinois étant foncièrement pragmatique, il reste soucieux d’un réalisme dont l’occidental se moque souvent.
Le cinéma hongkongais possède une renommée internationale. Ce n’est jamais un cinéma intellectuel, mais jouant sur l’aspect comique des situations et des dialogues. Le rire permet aux chinois qui travaillent beaucoup de se défouler. Le cinéma révèle un style de vie basé sur l’aisance, tout ce qui manque le plus à la vie chinoise. Les bagarres des gentils contre les méchants est aussi un thème fréquent.
On parle d’une culture instantanée dans la mesure où tout doit se faire le plus rapidement possible afin d’être consommé tel quel dans la décontraction la plus complète. Le film est une fenêtre sur monde occidental. Les chinois ne voyageant guère et travaillant beaucoup veulent un loisir facile à obtenir tout en ayant l’impression de sortir de leur quotidien.
Autrefois, le film était un événement : il y avait de grandes salles renommées où les Hongkongais se réunissaient joyeusement en famille. C’était un moment festif particulièrement apprécié. Aujourd’hui, les chaines de distribution ont nivelé le cinéma à sa consommation de masse. Elles font la pluie et le beau temps d’un film qui, s’il ne rencontre pas un succès instantané, est écarté sans qu’il lui soit donné une autre chance. Aucun accord passé entre la distribution et la production ne tient si le film ne connait pas un succès immédiat selon ce principe que si un film n’est pas consommé le jour même, il ne le sera jamais, principe qui n’a aucun sens en matière de création artistique.
La culture cinématographique ne vient ni des Anglais, ni des locaux, mais essentiellement de l’immigration des Chinois de Shanghai qui ont apporté avec eux une culture élaborée. Au contraire de ce que l’on peut penser, la production a toujours été faite par des chinois, jamais par les Anglais.
La production actuelle compte environ 50% de film d’histoires à base de Kung Fu, 45% de comédies et 5% de films indépendants survivant tant bien que mal grâce à des passionnés. La production est partagée entre le film d’histoire à base d’action et la comédie de moeurs. Si dans les années 90, les films pornographiques ont connu un certain succès, ce succès est resté éphémère.
Si le film commercial obéit à ses règles, il existe heureusement une dizaine de festivals, dont le festival de films européens, le festival du film français et le festival du film international, attirant un public de connaisseurs pour des films relativement hors du circuit commercial.
Le cinéma hongkongais dispose d’une base professionnelle tout à fait exceptionnelle maniée par des gens passionnés. Il est à l’origine de nombreuses techniques et truquages devenus très utilisées dans les films d’action. La plupart des grands directeurs d’actions des films hollywoodiens sont des Hongkongais. Plusieurs réalisateurs de Hong Kong, dont le fameux John Woo (né en 1946), sont installés à Hollywood pour prendre la tête de grosses productions commerciales.
Le souci du profit est désormais atténué du fait que l’argent vient d’ailleurs. Les producteurs sont des businessmen qui font leur argent en dehors du circuit cinématographique ce qui ôte beaucoup de pression aux professionnels du cinéma (certaines maisons de production utilisent notamment l’argent gagné dans les casinos de Macau).
La télévision produit beaucoup de séries très populaires utilisant des stars du cinéma. Comme partout ailleurs, la télévision fait vivre une partie des gens du cinéma. Est-ce à dire que la télévision est l’avenir du cinéma ? Sans doute non. La qualité cinématographique des séries est faible avec des histoires qui s’étirent en longueur sans réelle consistance. Sinon on retrouve les mêmes intérêts qu’au cinéma pour les films d’histoire et les comédie de moeurs.
Les séries télévisées sont réalisées rapidement avec une part importante laissée à l’improvisation (les acteurs ne reçoivent leurs dialogues que quelques heures avant de les jouer). Tout se fait un peu dans l’urgence ce qui ne facilite par le travail artistique.
L’industrie cinématographiques emploie beaucoup de femmes très appréciées pour leurs qualités. S’il n’y a que 2 % de femmes réalisatrices, les femmes sont employées comme techniciennes. Les femmes du cinéma chinois sont réputées pour être particulièrement masculinisées.
Une école officielle de cinéma qui vient d’ouvrir ses portes se propose de renouveler acteurs, techniciens, scénaristes et réalisateurs. C’est dire qu’il existe toujours une réalité du cinéma hongkongais, mais si elle perdu beaucoup de sa puissance. Le défi est désormais de faire revenir les gens dans les salles malgré la prolifération des DVD. Il faut mettre en place une nouvelle façon de faire et de voir les films.
A Hong Kong, j’ai eu l’impression qu’il y avait peu de salles de cinéma, comparé à Paris.
Paris compte une centaine de salles, qu’en est-il à Hong Kong ?
excuse-moi pour la réponse décalée, mais comme j’évite de me relire, je n’ouvre pas trop trop le blog. sincèrement, je ne sais pas combien il y a de salles à Hong Kong, mais j’ai l’impression qu’il y en a tout de même beaucoup. le cinéma reste la sortie principale des Hongkongais et, malgré la crise, les salles restent pleines, mais évidemment pour les grosses productions américaines.
Une vraie mini monographie du cinéma HK de maintenant. Pas mal d’infos interessantes sur le cinéma « au quotidien » in Hong Kong. Deux/trois petites critiques ( en toute amitié hein ?) :
– l’article aurait mérité un découpage/plan plus évident (petit côté fourre-tout)
– pourquoi ne pas l’avoir présenté comme une interview à part entière avec questions et réponses ? Ça aurait pu apporter plus de dynamisme à ce billet.
– j’aurais aimé avoir des exemples plus circonstanciés de ce qui a changé dans la prod HK avec les communistes chinois : peut-on encore faire des films comme Woo, Tsui Hark ou Wong Kar Waï ont su en faire ?
– enfin, la teneur de l’article laisse entendre que le gros de la pro est low-cost et peu ambitieuse artistiquement. Ce qui n’est pas le cas du cinéma HK diffusé en France (superproductions historiques, scenarios ambitieux, acteurs impressionnants). Une explication et une mise en perspective de cette dichotomie aurait été tip top.
Des débuts prometteurs que je vais suivre très régulièrement désormais !
merci beaucoup Laurent pour tes critiques que j’ai absorbées avec beaucoup d’attention parce que je sais qu’elles me serviront pour l’avenir. d’abord, je ne connais pas le cinéma autrement que comme spectatrice. ce que je cherche, c’est faire des interviews avec des gens de tout milieu. j’étais très heureuse de l’interview avec la productrice, mais je me suis très vite aperçue que j’étais un peu dépassée par l’aspect technique. ce qui m’intéresse d’abord, c’est le côté humain. je n’ai pas la prétention de raconter le cinéma Hong Kong, mais juste un témoignage et je reconnais que je suis passée un peu à côté parce que je ne suis pas la bonne personne pour parler cinéma même si le sujet me passionne par ailleurs.
sincèrement, je trouve que la grosse production actuelle de Hong Kong est peu intéressante. le public chinois n’a pas la même demande que le public européen, tu t’en doutes et l’argent vient des chinois, pas des européens. les films qui passent à Paris sont évidemment les meilleurs, mais ils cachent beaucoup de navets.
la productrice de cinéma m’a donnée une vision plutôt pessimiste quand à l’avenir du cinéma hongkongais, même s’il a encore de beaux jours devant lui. comme les problèmes ne sont pas résolus, on voit mal comment les choses pourraient s’arranger ?
très surprise que tu connaisses si bien le cinéma de Hong Kong. comment cela se fait-il ? connais-tu HK ? merci encore pour ton commentaire si précieux
Rien que pour ton regard sans fard sur le ciné HK, ton billet vaut mille fois le coup d’être lu. Ensuite, ma cinéphilie boulimique, quand j’avais 20 ans de moins, étudiant et du temps pour visionner des productions moins mainstream, m’a fait tomber un jour sur un article sur John Woo. Interpellé je suis allez voir The Killer et Bullet in the head qui sortaient quasi simultanément en France. Ce fut un choc artistique et esthétique. Depuis lors, je m’intéresse à ce cinéma inventif et sans concession, du moins pour les films qui arrivent jusqu’en France.
Sinon jamais été jusqu’à HK, pour l’instant.
merci Laurent pour ton message qui me fait très plaisir.
je te comprends puisque je suis moi-même une passionnée de cinéma.
je suppose que les gens qui voient certains films de HK doivent penser que la vie chinoise doit être particulièrement violente et dangereuse !!
c’est tout le contraire, la vie est désespérément calme à HK avec des gens pacifiques, accueillants, mais un peu fermés.
je me demande souvent comment Woo a-t-il pu trouver une telle violence en lui ?
je suppose que c’est grâce à la tradition du Kung fu que les bagarres sont tellement spectaculaires ?
Woo est surtout un grand cinéphile qui a fait se croiser certaines références typiquement HK, kung fu entres autres, avec des références cinématographiques plus noires et occidentales, comme Jean-Pierre Melville.
Hello ! J’aime assez ton billet mais c’est vrai qu’il y a bien longtemps que je ne m’étais pas arrêté chez toi. Il semble qu’il y ait une grosse main mise chinoise sur le cinéma, je crois avoir déjà lu ça quelque part. Drôle cette façon de retirer illico presto un film qui ne marche pas le jour même. Les Occidentaux laissent le bouche à oreille s’installer pour faire parfois la « renaissance » d’un film. C’est ainsi qu’à commencé la carrière de Robert Redford en 1972 avec le film Jeremiah Jonhson ainsi avec le bouche à oreille pour un film western sortant de l’ordinaire mais sans action notoire. Le cinéma reste un art difficile d’abord, s’il y a des réalisateurs qui font souvent d’excellents films ils ne sont pas légions quelque soit l’endroit.
Les rares films HK que j’ai vu reprennent effectivement le créneau fille et argent.
Dommage que la production pornographique Hong-Kongaise se soit interrompue (ça c’est pour me démarquer) 😀 😀