La tour

L’homme s’abandonne à ses traces n’en finissant de s’enfouir dans le sable. Une immense tour de cathédrale tout en verre se dresse en faisant jaillir sa transparence à travers un paysage chaotique et désertique dont l’homme semble apaisé comme s’il avait remporté quelque victoire, celle d’un pas sur un autre pas.

On peut frapper à toute volée dans le verre sans qu’aucun son n’en soit émis parce que ce verre, non seulement résorbe la lumière, la tient prisonnière pour la diffuser aux habitants de l’erg, mais encore absorbe tout ce qui est étranger à cette terre ingrate et le son, quelle qu’en soit l’origine, est inconnu de ses habitants.

L’homme est un chevalier errant dont la mission consiste à protéger les habitants des dangers du désert. Les tempêtes de sables, les frappes oppressantes de chaleur, la lumière aiguisée découpant chaque vivant, la lourdeur de la température du jour faisant place à l’aridité du froid la nuit, tout est agression ici pour qui se prend ailleurs.

Chacun se surveille. Un seul moment d’inattention peut entraîner de graves répercussions sur l’ensemble de la communauté. L’homme ne s’arrête jamais de marcher car s’il le fait, il devient immobile telle une statue de sable. L’immobilité est une chose inconnue en cette terre éventée dont les lois naturelles sont régies par la tour de verre, dispensant des consignes incompréhensibles que tous prennent pour des grincements inaudibles.

Il y a trois mille chevaliers errants qui marchent inlassablement jusqu’à leur mort où figés ils sont avalés par le désert. Aucun ne se demande où il va puisqu’il n’y a nulle part où aller. Nul ne veut savoir quel sens donner à ses pas puisqu’un simple courant d’air suffit à les faire disparaître. Personne ne veut connaître son avenir puisqu’un souvenir est une façon de s’arrêter.

Chacun s’affaire comme il peut. La tâche de ces hommes n’est pas définie si ce n’est de marcher dans la crainte de se voir immobilisé pour on ne sait quelle raison qu’ils doivent combattre sans tarder de peur que la stupeur ne ravage la colonie.

L’héritage culturel des errants n’est guère développé. À peine ont-ils le temps d’apprendre les rudiments des lois implacables de la tour qu’ils doivent se mettre à marcher. On ignore tout du renouvellement des hommes qui s’opère pourtant de façon systématique. Si un quelconque errant vient à disparaître, il est inéluctablement remplacé de façon obscure, mais il y a tant de mystères en ce monde que personne ne s’en soucie.

Les hommes ont néanmoins réussi à communiquer par gestes. Leur langage est certes rudimentaire, mais comme ils n’ont pas grand chose à dire, ils s’en contentent. Ceux qui parviennent à survivre plus longtemps finissent par acquérir une pratique du langage plutôt développée pour le peu qu’ils expriment.

Aucun sujet de conversation puisque chacun hante les mêmes lieux et que tous sont des voisins opérant dans la même promiscuité. Les plus importantes considérations sont des banalités d’usage sur le temps qu’il ne fait pas. Jamais l’idée ne viendrait à l’un des habitants de s’enquérir de la santé d’un autre ou sur les raisons l’empêchant de s’arrêter pour jouir d’un instant de paix aussi fugace soit-il. Ils ignorent tout de la santé et du repos. Ils entrevoient très mal les nécessités d’une fatigue. Il leur suffit de tenir le même rythme lent et de savoir dormir tout en se déplaçant.

À quoi bon se soucier de ce qui se répète inlassablement ? À quoi bon craindre ce qui ne se produit jamais ? À quoi bon s’angoisser du vide puisque le plein n’existe pas ? À quoi bon s’effrayer de la mort puisque rien n’est plus banal ? À quoi bon comprendre puisque rien ne change ? Personne ne fait attention à rien si ce n’est à ses mouvements vitaux élaborés dans la plus stricte intimité. Le monde est vide de sens et tout le monde trouve ça sensé.

C’est très à la mode de faire comprendre à un autre marcheur qu’aujourd’hui il n’y a rien à dire et l’on est ravi de cette plaisante nouvelle. L’activité principale consiste à mesurer, à doser son effort puisque de cette tension découle le temps qu’il reste à marcher, ainsi à vivre. Un geste n’a de valeur que dans sa lenteur maximale. Savoir étirer le mouvement est l’art des plus grands errants dont la fierté est d’atteindre ce seuil limite du mouvement et de l’immobilité.

Chacun expérimente jusqu’où il peut aller et l’on arrive à se faire une idée de l’âge du marcheur par la lenteur qu’il arrive à approcher. Mais l’âge est très approximatif puisque le temps n’intéresse personne. Certains vont jusqu’à prétendre qu’un homme peut vivre jusqu’à l’âge de trois ans, très exceptionnellement semble-t-il, mais personne n’a jamais pu vérifier cette assertion manque de temps à le compter. L’âge moyen d’un homme se situe aux alentours de six mois.

Le désert est peuplé de bébés…

Comment des clans ont pu se former et comment la guerre a commencé, chacun l’ignore. Il y a une guerre un jour. La guerre, il est vrai est loin d’être un massacre. Il n’existe aucun instrument pouvant entraîner la fin précipitée d’un chevalier. La guerre est un jeu dont l’enjeu n’est jamais accessible, comme tout le reste, si bien qu’un étranger pourrait croire qu’il ne s’agit que de simples ébats.

Ce jeu est impitoyable et cruel. Il s’agit par tous les moyens, très peu nombreux, d’immobiliser l’adversaire sans soi-même tomber inactif un seul instant. La complexité de ce combat est telle qu’elle reste un des principaux sujets de conversation. L’immobilité étant inconnue, chacun essaye de s’en faire une idée et de la partager avec ceux de passage. Expliquer l’immobilité à ceux qui bougent n’est pas une mince affaire. Immobile, on est dévoré par la boite à lumière.

Isolément, il est trop difficile d’atteindre son but en maîtrisant l’adversaire, on courre le risque de s’immobiliser soi-même. Le meilleur moyen est l’attaque par groupe contre un isolé. Après une ou deux disparitions, il n’y avait plus d’isolés, chacun cherchant à côtoyer les autres.

La population des chevaliers s’est scindée en deux clans, farouches adversaires, incapables de se supprimer, il y a autant de disparitions d’un côté que de l’autre. Un clan forme une unité individuelle aussi faible qu’un individu isolé. Aussi est-ce dans la paix qu’ont lieu les affrontements. Il faut juste faire le dos rond et accepter tout des autres pour mieux les trahir.

Les chevaliers veulent la guerre parce qu’elle donne un sens au vide de leur existence. La trahison fait que le membre d’un clan se trouve sans protection malgré son appartenance au clan qui semble l’abandonner à son sort, non par plaisir, mais pour continuer cette guerre qui est leur seule occupation. Son principal ennemi devient son clan.

Une autre tactique consiste à tuer les nouveaux-nés, incapables de rejoindre le clan assez vite. Avec les très faibles pertes dues à la guerre, la guerre enthousiasmait les esprits, pas les corps. Il n’y avait naissance que quand il y avait mort alors que la plupart des nouveaux-nés échappaient à leur sort.

Régulièrement, faute de disparitions et de naissances, la guerre s’arrêtait. Personne ne connaissant la géographie du désert, nul ne savait d’où venaient les nouveaux-nés parvenant à rejoindre leur clan. La guerre était abandonnée au grand désespoir de chacun voyant un sens leur échapper. Régulièrement, les clans étaient dissous avant d’être reformés.

Il n’y a aucune blessure à panser et sitôt la guerre achevée, les hommes redeviennent des chevaliers errants. Leur rôle originel reste de se préserver des maux funestes de cette terre, l’immobilité et le bruit. Le bruit qui résonne dans une tour de verre est si intense qu’il tétanise les esprits, les clouant sur place, les décimant.

D’où vient le bruit ? Les chevaliers ne connaissant aucun bruit autre que le pâle sifflement du vent monotone, il est considéré comme accidentel et étranger à la terre. Le bruit ne tue pas les hommes, mais ceux-ci ont remarqué que c’est en fonction du bruit que la tour diffuse sa lumière et la lumière est l’élément vital de leur vie mouvante.

Le bruit, quel qu’il soit, inévitablement absorbé par la tour de verre, provoque des pertes de lumière. Tant qu’il se cantonne au bruissement répétitif, le bruit n’a quasiment aucun effet, mais chaque fois qu’il se fait intense, la lumière diminue, une espèce de nuit s’écrase sur la terre donnant raison à un effroyable massacre car plus personne ne voyant rien, chacun trébuche sombrant en léthargie à même le sol, s’assoupit en s’installant dans la plus incroyable quiétude décimant la fine fleur des chevaliers du sommeil des justes.

Le bruit est la plus effroyable épidémie que les hommes connaissent et tous leurs efforts sont tendus dans la lenteur silencieuse de leurs gestes. L’habitude aidant, ils ont transformé leur crainte du noir par la lumineuse présence d’un dieu devant les préserver de cet épouvantable mal. Un grand nombre de chevaliers savaient que leurs actes seuls les préservaient, mais les autres qui avaient les mêmes gestes pensaient qu’un dieu les protégeait et les guidait. Dieu ne changeait rien dans leurs actes ni dans leurs pensées, mais provoquait une jouissance ineffable dans cet océan de sable et de doutes.

Certains vont même jusqu’à prétendre que l’antique guerre entre clans a un lien entre le clan des croyants et des non croyants, mais personne n’en est sûr. Personne ne savait depuis quand les hommes marchaient dans le désert, encore moins depuis quand il y avait des chevaliers croyants et des chevaliers non croyants. Personne ne sachant qui croire, chacun préférait suivre le fil de sa foi. Les croyants savent qu’il y a des non croyants et les non croyants savent qu’il y a des croyants. Cela leur suffit à se méfier les uns des autres, non par rancœur ou haine, mais par prudence. Comme chacun sait, la prudence est mère de toutes les rancœurs et de toutes les haines. Il a fallu beaucoup de temps et de générations pour en arriver à cette conviction.

Les chevaliers se surveillent sans cesse. Ainsi ont-ils remarqué que certains disparaissent plus jeunes ou plus vieux. Après dix générations on s’est aperçu que ce phénomène est mesurable. Il fallut encore dix autres générations pour que commencent les mesures afin de découvrir avec effarement qu’une part égale de chevaliers meurt plus jeune ou plus vieux. Cette constatation inspira de la curiosité aux errants : quel peut bien être cet étrange phénomène qui décime une part égale de la population plus tôt que l’autre ? On en vint à se demander de quel côté on fait soi-même partie.

On est voué à s’épier. La mémoire de l’homme est si courte que le mystère est officiellement décrété mystère de la vie, c’est-à-dire insoluble. À quoi bon dissoudre ce que l’on est si c’est pour sombrer dans un mystère plus grand encore ? Un groupe d’errants particulièrement fiers le décréta mystère national du désert.

Il fut organisé une fête nationale d’une si grande importance que beaucoup moururent d’épuisement et de joie, heureux de mourir pour une patrie qu’ils connaissent si peu. C’est ainsi qu’après multes générations on s’aperçut que la moitié de la population était morte de cette fierté nouvelle. Pourquoi l’autre moitié avait-elle survécu ? Sans doute avait-elle sa foi et n’avait nul besoin d’un mystère jugé inférieur.

Le problème ne fut pas résolu pour autant et il s’en fallut de peu qu’un nouveau mystère national ne vint décimé une moitié de la population. C’est lorsque l’on allait appeler cette époque, l’époque des grandes énigmes que les croyants entamèrent une campagne de dénigrement contre les mystères. Ils se rassemblèrent en clan similaire à celui des guerres antiques et révélèrent au monde, après trois générations, qu’il n’y avait aucun mystère digne de ce nom.

Un autre clan se forma pour affirmer qu’un mystère est plus digne qu’une foi. Aucune solution ne pouvant départager les deux clans, le désert fut divisé en deux. La guerre ne fut même pas déclarée faute de croyance d’un côté et de mystère de l’autre. Se pointait désormais un problème des plus complexes jamais posé par cette civilisation, qui aurait le privilège de posséder la tour de verre sur sa nation ? On trouva un compromis en faisant de la tour la limite des deux territoires. Dans cette transparence, chacun sachant ce que fait l’autre, chacun se désintéressa des autres pour ne plus se consacrer qu’à sa croyance ou à son mystère.

La division dura peu, chacun conservant la nécessité de veiller sur l’autre, l’indifférence ne pouvait guère dépasser l’espace d’un regard. Un clan pour assurer sa survie avait la nécessité de surveiller l’autre clan et chacun se surveillant, il fut décrété au bout de quatre générations qu’on devait abandonner son appartenance à un clan et la vie reprit son cours normal.

Les uns croyaient au mystère, les autres à dieu, c’est-à-dire à la croyance, mais chacun ignorait en quoi les autres croyaient. À force de marcher, personne ne prêta plus attention au fait que l’on fut ou non croyant puisque l’on ne savait qui croire et à quoi. Puisque personne ne savait s’il fallait croire en dieu ou non, on décréta qu’il n’y avait nul besoin de croire en dieu puisqu’il existait pour les uns et pas pour les autres. Le désert se peupla d’ignorances mutuelles que tous partageaient avec la même allégresse.

C’est de cette incompréhension mutuelle que naquit le doute. Ce fut le début de l’époque moderne qui ravagea la civilisation du peuple du désert. Aussi fut-elle appelée l’époque du grand fléau et le grand fléau était le doute. Évidemment, si l’on se mettait à douter de son mouvement, c’était la fin, de même si l’on en venait à questionner le silence, c’était l’épidémie, et si l’on se mettait à douter de la tour, c’était pire encore et ce fut ce pire là que les hommes décidèrent d’assumer pour continuer d’exister.

Brusquement, sans raison évidente, on vit des hommes s’arrêter net. On les voyait est une façon de parler puisqu’ils disparaissaient immédiatement sans qu’on ait le temps d’en douter davantage. Quand le doute est ancré, aucune conviction ne peut venir l’ébranler. Mais à force de disparitions, du doute, il ne restait plus que le sien, c’est-à-dire plus de la curiosité qu’autre chose. Les petits hommes du désert étaient décimés par une épidémie de curiosité.

Certains se mettaient à taper et bouger dans tous les sens, bref à produire une agitation frénétique pour subir l’épidémie. Des hommes se réunissaient pour faire encore plus de bruit. Ce que l’on n’avait jamais vu sur cette terre régnait dans la plus complète anarchie et, malgré le renouvellement humain, c’en devenait trop.

Des chevaliers se groupèrent afin de créer une ligue anti-bruit et anti-immobilité, pour la lenteur et le silence, les seules valeurs d’un monde n’en comptant guère. Combien étaient-ils ? Très peu et eux aussi étaient décimés par l’épidémie. À chaque génération, il fallait remettre en cause et l’on finissait par se dire, à quoi bon ?

La vague de folie s’accentua et le doute devint une loi, celle de l’autodestruction. Le doute fut si bien mis à l’honneur que l’on en vint même à douter de l’autodestruction. On cessa de s’autodétruire et on commença à douter de la tour de verre. Personne jusque-là n’aurait jamais osé imaginer une telle audace dépassant tout entendement, pourtant on se mit à l’ouvrage.

On se posait peu de questions, l’eut-on voulu que le temps manque. Une sorte d’instinct finit par emporter la conviction des chevaliers à croire que si la tour disparaissait, il y aurait encore moins de temps pour se poser de questions. C’était plus instinctif que pratique. Le chevalier savait que frapper la tour n’avait aucune conséquence.

On ne connaissait pas le verre à cette époque, on savait qu’il existait, il suffisait de le regarder, mais quant à savoir ce que pouvait cacher cette transparence permettant de discerner un autre chevalier, certes déformé, mais bien vivant ne cessait d’intriguer les hommes. On s’arrêtait à ce que l’on avait devant soi sans chercher à comprendre ce qu’il y a derrière ou devant. En réunissant les hommes, on décida de se concerter. Après une génération, il devenait clair qu’en se mettant à plusieurs, peut-être arriverait-on plus facilement à un résultat. On se mit à la tâche et, tous ensemble, ils frappèrent le verre, sans résultat.

Ce n’est pas le désespoir qui animait ces hommes, mais la peur. Un homme lassé de frapper se mit à trépigner de colère et tous étant réunis autour de la tour, un par un, se mirent à trépigner sur place. Cela ne dura pas longtemps car on vit le verre se fêler.

De plus belle, les hommes s’acharnaient à trépigner, cette fois de joie en regardant avec anxiété l’impressionnante tour de verre. Ce qui devait arriver arriva, le verre se mit à céder, il se brisa. Ce fut la fin pour tous les petits hommes du désert car tous les sons et les lumières se dégorgèrent avec une telle violence qu’aucun ne pouvait supporter un tel déferlement. Une immense vague d’éclairs et de fracas assourdissants explosa tout sur son passage. Le désert fut dépeuplé d’un coup.

Quelque temps plus tard, on apprit la naissance d’un homme, puis d’un autre et de beaucoup d’autres. Si le mystère de la création est impénétrable, combien plus mystérieux encore ces hommes qui marchent, s’arrêtent, parlent, se reposent quand ils sont fatigués. Ils mangent et dorment la nuit n’ayant rien trouvé d’autre à faire et le lendemain, ils reprennent vie. Plus extraordinaire que tout, ils ne vivent pas seuls, ils sont accompagnés de femmes. Certains les voient comme une tour de verre.

Un jour un groupe d’hommes, eux vivent en bande, découvrent au cours d’une chasse des restes étranges, des squelettes semblant être des os d’enfants autour d’un amas de verre brisé. Ce mystère n’a jamais été expliqué. On enterra les petits squelettes, mais jusqu’à aujourd’hui, sur la surface de notre globe, il reste des terres inaptes à toute culture, comme à cet endroit où l’on a enfouit les enfants.

Comments
12 Responses to “La tour”
  1. marc dit :

    hum oui ou ce trouve les cimetierres d’enfants sur ka planette

  2. M1 dit :

    C’est un réel plaisir de lire ce texte jusqu’au bout ! l’intro déjà est excellent !
    Je ne sais pas ce que tu fais dans la vie, mais si tu n’écris pas des bouquins, c’est un gâchis !!

    • cieljyoti dit :

      suis vraiment très heureuse que ça te plaise. oui, j’aimerais bien un jour devenir écrivaine, mais bon, il y a encore du chemin à faire. merci tellement pour ta fidélité à me lire

  3. Le milieu des blogs bien inspirés étant un peu tout sauf un désert inanimé, ces temps-ci, voilà que d’autres, dont Ceinwynn et Stéphane Antonini, se joignent à toi pour apprécier mes commentaires et me réclamer avec insistance de nouveaux articles, de sorte que la concurrence entre les divers auteurs et lecteurs risque de se faire de plus en plus rude, et que le défi consistera désormais à concilier de mieux en mieux les exigences de qualité, d’efficacité et de présence dans la blogosphère. Merci, donc, tout d’abord, de m’avoir ouvert ton riche carnet d’adresses à tant de belles rencontres littéraires ou artistiques dans le prolongement de celle qu’il m’a été donné de faire avec toi !
    À ton tour, à présent (ou plutôt ta tour, autour de laquelle tu as réussi à nous fomenter une si fabuleuse intrigue que je souhaite le plus sincèrement du monde à cette première nouvelle de ton cru de survivre encore de loin au plus vieux de tes chevaliers errants, d’autant que rien ne remplacera jamais le bonheur et le plaisir d’une première expérience en la matière) !

    Pour ce qui est de la forme de ton histoire, quelques compliments et critiques, comme à mon habitude…
    Du côté des louanges, je dirais que La principale nouveauté, pour qui te suit déjà depuis un moment, réside dans le fait que tu aies enfin trouvé une occasion en or de rassembler en un seul chef-d’oeuvre le meilleur de tes talents poétique, de ton incomparable don de la description et de ces cabrioles verbales originales sans lesquelles tu risquerais parfois d’être l’ombre de toi-même à la lumière de tes performances passées, c’est-à-dire potentiellement un tout petit peu moins adorable qu’aujourd’hui;-) ! Pour m’en tenir à quelques exemples, je me suis donc tout particulièrement délecté de ta manière de présenter le cadre de vie de ces pauvres créatures au premier paragraphe, de ton excursion sémantique dans la jungle du mystère de la croyance / de la croyance en un mystère si épais qu’il en restera à jamais indescriptible, ou de la formule « cette terre éventée dont les lois naturelles sont régies par la tour de verre, dispensant des consignes incompréhensibles que tous prennent pour des grincements inaudibles », véritable concentré d’une logique si incompatible avec celle de nous autres terriens qu’elle ne peut relever que d’une cohérence extraterrestre dans la mesure où une loi, fut-elle naturelle, dont le but premier est précisément de régir quelque-chose, ne peut, elle-même, être régie par autre-chose qu’une loi de rang supérieur (la tour, quant à elle, édicterait ou proclamerait des lois), où un grincement ne peut être inaudible puisqu’il s’agit nécessairement d’un bruit, donc d’une sensation intrinsèquement auditive, et où des créatures ignorant l’existence même du son, réalité prisonnière de la tour jusqu’à sa destruction finale, ne risquent pas de pouvoir percevoir quelque-chose que l’on puisse qualifier de grincement. Mention spéciale, également, aux formules « La guerre est un jeu dont l’enjeu n’est jamais accessible », dont l’incorrigible amatrice de jeux de mots que tu es eût été idiote de se priver, « personne ne prêta plus attention au fait que l’on fut ou non croyant puisque l’on ne savait qui croire et à quoi », que je t’imagine si bien, essayant de la prononcer le plus vite possible sans faire fourcher ta langue, mais n’y arrivant évidemment pas puisque toute la saveur de cet enchaînement de mots provient précisément de ces sonorités qui s’amusent à s’entrechoquer joyeusement jusqu’à déconcerter quiconque prétendrait maîtriser à fond le délicat art de l’articulation, pour souligner le caractère drôlement absurde de la situation…, jusqu’à finir par t’abandonner goulument à des éclats de rire visiblement si ressourçants qu’ils t’ont permis de nous livrer, dans la foulée, le passage aux qualités rédactionnelles les plus abouties, et Le monde est vide de sens et tout le monde trouve ça censé »… Mais avec une légère réserve sur cette dernière formule. « Censé » signifiant « supposé » et non « pourvu de sens » (nul n’est censé ignorer les lois de la tour vs. la tour dispensait des consignes assez sensées pour que tout le monde les comprennent sans même y réfléchir »), il vaudrait mieux opter pour « sensé »…, à moins de donner dans l’hyper-abstraction en affirmant, par le choix délibéré du terme « censé » qu’un monde vide de signification est un présupposé en soi, une sorte de préalable à toute action ultérieure.

    Pour ce qui est des critiques, je commencerais par une observation fondamentale, car je te sais capable et désireuse de t’améliorer considérablement sur ce point. Comme tu le sais, je t’admire sincèrement pour ton aptitude à créer dans la spontanéité, laissant à ton imagination fertile et débordante le soin de te guider dans la trame de tes écrits en général. Mais je pense sincèrement, Céline, que tu gagnerais énormément à te relire plus consciencieusement avant de publier tes articles, à les préparer hors-ligne grâce à ton traitement de textes pour te corriger plus facilement, avant de copier/coller le produit fini dans la zone d’édition du blog (pour procéder de la sorte, je peux t’assurer qu’en mode « rédaction d’articles, du moins, le copier/coller conserve parfaitement toute la mise en forme, italique, gras ou soulignements compris), et, dans le cas d’un récit comme celui-ci, de faire un brouillon avant de te lancer dans l’aventure proprement dite. Car ce qui ne posait pas trop de problèmes dans tes sketches devient parfois quelque-peu perturbant ici.
    Ainsi, tu commences ton histoire exclusivement au présent pour nous plonger résolument dans l’ambiance et montrer combien il existe, en réalité, de similitudes frappantes entre ton charmant monde imaginaire et notre planète à nous. Choix assez judicieux en soi parce que conforme au but que tu recherches. Mais là où les choses se compliquent sérieusement, où tu t’emmêles parfois allègrement les pinceaux, probablement faute d’avoir pris le temps de peaufiner ton scénario, c’est lorsque tu commences à nous raconter les épisodes des guerres et de la destruction finale. Ne sachant apparemment plus trop à quoi t’en tenir, tu te mets soudain à osciller régulièrement entre présent, imparfait, passé simple et passé composé, souvent sans aucune cohérence dans tes choix. Là aussi, un exemple parmi d’autres : le passage « Le bruit est la plus effroyable épidémie que les hommes connaissent… » jusqu’à « quel peut bien être cet étrange phénomène qui décime une part égale de la population plus tôt que l’autre ? ». Tout le problème de ton récit est qu’il se situe, de fait, dans un passé que tu as choisi de considéré comme définitivement révolu à partir du moment où la destruction de la tour a entraîné la fin de la civilisation à laquelle il se rapporte. À l’exception de la phrase « comme chacun sait, la prudence est mère de toutes les rancoeurs… », suffisamment explicite pour tenir lieu de vérité contemporaine, les autres affirmations pour lesquelles tu as choisi le présent ne sont pas censées avoir de valeur universelle hors de leur contexte puisqu’elles concernent directement des réalités inhérentes au désert, tel qu’il se présentait à l’époque. Par ailleurs, ta difficulté à harmoniser l’usage des temps jette un trouble sur la chronologie, la durée et les liens logiques entre les divers événements, et à force de ne plus trop savoir dans quelle perspective tu te places pour nous les décrire (celle de l’historienne qui relaterait les faits au vu de quelque trouvaille archéologique, de la narratrice plongée en plein dans le décor…), je finis par m’y perdre au point d’être bien incapable de te donner des conseils prêts à l’emploi. Mais disons qu’en règle générale, compte tenu du niveau de langue et de vocabulaire que tu aspires à utiliser, tu aurais de bonnes raisons de préférer le passé simple au passé composé dans la narration proprement dite, et de privilégier l’imparfait pour décrire la situation qui prévalait à un certain moment (par ex., une phrase du genre « les chevaliers n’avaient pas conscience de croire en un dieu, mais soudain, la moitié d’entre eux se mit à croire en une intervention divine, alors que les autres y restèrent indifférents »).

    En quête de ton style personnel, et c’est bien normal pour une toute première tentative, tu sembles vouloir utiliser résolument les spécificités de l’écrit pour t’exprimer d’une manière beaucoup plus soignée qu’auparavant et te démarquer de ce que tu serais capable de produire à l’oral. Et à en juger de ton excellent niveau de culture générale, de tes lectures et de ton bagage intellectuel, tu as amplement de quoi partir sur de bonnes bases, comme en témoignent des phrases telles que « Jamais l’idée ne viendrait à l’un des habitants de s’enquérir de la santé d’un autre ou sur les raisons l’empêchant de s’arrêter pour jouir d’un instant de paix aussi fugace soit-il » ou « On ignore tout du renouvellement des hommes qui s’opère pourtant de façon systématique… ». La précipitation étant cependant mauvaise conseillère dans un exercice encore assez inhabituel pour toi à l’heure actuelle, les emprunts à la langue parlée continuent toutefois à s’emparer de ta plume pour te faire écrire « tout le monde trouve ça censé » ou « c’est très à la mode de faire comprendre à un autre marcheur… ». Loin de moi l’idée de dénigrer la plus grande simplicité de la langue parlée, mais comme il se trouve, par ailleurs, que tu adores, par-dessus tout employer le gérondif (donc les formes verbales en « ant », comme dans le passage « Régulièrement, faute de disparitions et de naissances… voyant un sens leur échapper », soit le summum de la fine fleur de la langue châtiée), il y a comme une rupture de style d’autant plus insurmontable entre ces deux extrêmes !

    Quelque-peu en froid avec la ponctuation depuis que Twitter t’a donné l’occasion de soumettre, à la volée, des phrases dont je n’ai pas souvenir que tu les aies, un jour, terminées par des points, peut-être pour marquer intentionnellement leur caractère inachevé ou leur relativité (mais à ce compte-là, pourquoi ne pas adopter la particularité de finir systématiquement par un point d’exclamation pour donner un peu de mordant à des affirmations que tu veux catégoriques et par un point d’interrogation pour susciter plus clairement un débat?), voilà que dans cette nouvelle, encore plus que dans certains autres articles où cette spécificité ne m’avait interpellé que marginalement, tu t’en-vas guerroyer gaiement contre les virgules, signes pourtant indispensables pour baliser les liens logiques entre les divers éléments constitutifs d’un récit ou d’un raisonnement. À titre d’exemple, la phrase « Le bruit, quel qu’il soit par l’absorption qu’il entraîne inévitablement par la tour de verre provoquent des pertes de lumière », qui détient déjà le triste privilège d’être la plus mal formulée de toute ta nouvelle et de s’inscrire dans une partie du récit (celle consacrée au bruit) où tu n’as pas su trouver de mots à la hauteur de ton message, aurait, au moins, considérablement gagné en clarté et en expressivité si tu avais écrit quelque-chose du genre « Le bruit, quel qu’il soit, fruit de l’absorption inévitable par la tour de verre, provoquent des pertes de lumière » ; et il ne s’agit là que d’un exemple, car je t’assure qu’elles sont légion, ces phrases rédigées d’un seul jet, où tu te délestes de la logique au profit d’un lecteur qui, pour bien intentionné qu’il soit ici, sur cet espace réservé à quelques initiés, pourrait aisément te traiter de brouillonne dans le grand monde de la littérature… À moins de consommer tes écrits à la va-vite, entre deux romans de gare, passant ainsi à côté de tes incomparables Talents !
    Peut-être seras-tu, un jour, une excellente conteuse, de quoi jouer consciemment sur les niveaux de langages pour amuser ou captiver ton auditoire, et utiliser périodiquement la langue parlée de la manière la plus naturelle possible puisqu’il s’agirait alors d’une forme de communication orale. Et puisque j’évoquais les romans de gare et autres occupations réservées aux transports en commun, peut-être arriveras-tu même à relever le défi de la restauration littéraire rapide à forte valeur ajoutée, comme d’autre ont su occuper intelligemment mon esprit pendant mes innombrables voyages en train. Peut-être créeras-tu, à cette fin, un équivalent écrit des « deux minutes du peuple » , cette célèbre série de sketches que j’écoutais quotidiennement dans le train via ma radio portable au printemps 1998, en guise de point d’orgue à la matinale du non moins célèbre Arthur, avant d’attaquer une journée de travail éprouvante à une cinquantaine de kilomètres de chez moi, de quoi égayer et raccourcir mentalement plus dune heure et demie de trajet, tous moyens de transport confondus, au point qu’un contrôleur me demanda, un jour, comment je faisais pour être le seul voyageur, parmi tous les habitués de la ligne, à lui faire un si joli sourire à chaque fois que je lui tendais mon billet… Mais si tu aspires à t’épanouir dans des relations de communication et de partage plus durables à l’écrit, donne le meilleur de toi-même, à commencer par un peu plus de temps et de concentration, pour aiguiser ton sens de la formulation et ta technique de rédaction ! Interroge-toi sur le sens des mots pour éviter des expressions telles que « donnant raison à un effroyable massacre » (« donnant lieu » aurait été la formule appropriée, à moins de dire qu’une espèce de nuit eut raison des chevaliers qui plongèrent dans une léthargie…), ou encore « peut entraîner de graves répercussions » (pléonasme en soi puisque le terme de répercussion traduit déjà une dynamique d’entraînement, en l’occurrence l’idée qu’un fait en provoque logiquement un autre). Et surtout, Céline, RELIS-TOI, RELIS-TOI !!!

    Sur le fond, à présent, quelle belle parabole, écrite avec ce savant mélange entre drôlerie, sérieux, humanité et incitation à la réflexion, par lequel tu arrives à me faire rire si abondamment, à gorge déployée, par moments, des sujets les plus tristes qui soient, en réalité : la mort, la guerre, le sens de la vie, l’indifférence, la superficialité désarmante de trop nombreuses conversations… Toute ta classe consiste à nous avoir présenté un désert et des créatures qui, pour similaires qu’ils soient parfois avec la Terre et les Hommes, n’en sont pas moins dotés de leurs caractéristiques propres, dans le noble objectif de nous faire réfléchir au lieu de trop nous mâcher le travail. En ce qui concerne, par exemple, la question de l’espérance de vie, le fait que tes chevaliers atteignent à peine un âge de six mois les distingue fondamentalement des êtres humains, dont la durée de vie moyenne ne cesse, au contraire, d’augmenter. De quoi s’interroger sainement sur la symbolique de ce choix : veux-tu dire que malgré notre langue, prétendument tellement plus évoluée, notre grand âge au regard des bébés peuplant le désert, nous en restons trop souvent à un âge mental de quelques mois ? Faut-il y voir un aveu d’échec pour notre civilisation, sachant qu’à six ou soixante ans, la vie n’a toujours pas plus de sens en soi que pour un bébé de six mois, sauf que nous autres humains en avons davantage conscience, et essayons de tout expliquer par des mots, y compris les croyances religieuses ou autrement irrationnelles par nature ? Saisissant contraste, aussi, que celui entre le silence du désert et un monde contemporain où nous sommes de plus en plus entourés de bruits aussi assourdissants qu’incontrôlés, puis plongés dans le silence existentiel le plus absolu dès lors que nous nous trouvons inopinément confrontés et abandonnés à nous-mêmes ! Seul ingrédient qui manque cruellement à ta planète : l’eau ! Mais peut-être était-ce délibéré, censé nous faire imaginer à quoi ressemblerait une existence où nous pourrions nous passer de cet élément vital qui fera peut-être l’objet des prochaines guerres mondiales ici-bas ; et peut-être les chevaliers du désert ignoraient-ils que Céline est, entre autres, le nom d’une intarissable source d’eau minérale domptée par un groupe agroalimentaire français 😉 !
    En outre, l’inestimable avantage du registre de la parabole de science-fiction est de pouvoir te jouer des réalités terrestres pour nous faire évoluer dans ton monde à toi, selon des règles que tu es la seule à fixer, à condition, bien sûr, de ne ménager aucun effort pour transmettre les bases de ta logiques au lecteur (d’où toutes mes remarques sur la forme). Voilà pourquoi, le jour où tu nous parlera d’un univers qui soit l’antithèse même de la planète Terre, je ne serais pas surpris que tu puisses enfin céder à la tentation d’écrire, en connaissance de cause : « soudain, tout le néant fut plongé dans une nuit tenace dont la blancheur éternelle reflétait toute la fragilité de l’éphémère condition humaine » ! En cela, et bien que je sois très heureux d’avoir appris ce qui t’a inspiré pour en venir, à cette occasion-là plutôt qu’à d’autres, à sauter dans le grand bain de l’écriture, je trouve que ton histoire se suffit parfaitement à elle-même, car tout ce que tu y décris se remplit de sa propre existence dès lors que tu l’intègres dans la trame de ton récit à toi (d’ailleurs, pour être totalement ignorant en matière de peinture ou de sculpture, je serais des plus mal placés pour juger de la pertinence de ta perception des œuvres de Moebius ou des rapports qu’elles pourraient bien entretenir avec ton univers désertique, au cas où les impressions que t’a laissée l’exposition en question aurait eu une influence déterminante sur certains aspects de ton récit) ! Pense donc, avant tout, à faire confiance à ta propre imagination, à ton sens de la description, de l’analyse et de la provocation positive, à tes envolées lyriques et à ta pratique de séduction par les mots pour nous donner envie de t’accompagner, dans un moment de merveilleuse complicité, jusque dans les moindres recoins de l’action, de la réflexion, de l’émotion, du rire et/ou de la bonne humeur contagieuse !

    Alors, comme tu le sais bien en ton for intérieur, ma très chère Céline : si je me suis montré intraitable sur la forme, je suis tellement heureux d’avoir pu croiser ta route dans les temps pour lire et apprécier ce premier et si bel ouvrage. Même s’il a toutes les chances de rester en ligne un bon moment avant d’être recouvert par les grains de sables du progrès technologique, je me suis empressé d’en faire une copie sur mon ordinateur parce que je compte bien le garder encore longtemps en souvenir, comme quelque-chose que j’espère n’être que le premier d’une longue, voire interminable série de romans et autres œuvres de qualité de ta part ! Tu peux légitimement être très fière de ce magnifique premier essai. Et bien que le chemin pouvant te mener dans le cercle des grands écrivains de ce monde risque d’être un peu long par moments, l’essentiel est que ta route reste pavée par le meilleur de ta volonté, de ton envie, de ta soif de partage et du plaisir personnel à l’idée de remplir une page blanche d’une manière qui n’appartient qu’à toi !
    N’hésite pas à (re)faire les expériences les plus invraisemblables pour en évaluer les réactions ou te mettre à l’épreuve sans trop te prendre au sérieux, comme à ton habitude. Je me rappelle notamment d’un soir de janvier où tu avais soudain décidé de passer les vingt dernières minutes de ta présence sur Twitter à rédiger toute une série de rimes sur le thème de la femme au fil des mois et quelques autres réjouissances verbales, certes vides de sens dans l’absolu, mais si bien ficelées, dans l’ensemble, qu’hormis celles et ceux qui n’osèrent peut-être pas te dire qu’ils te trouvaient d’une stupidité affligeante, nous étions finalement quelques-uns à te suivre sans réserve dans ta belle épopée. Ainsi, après avoir lu avec grand plaisir des vers tels que « femme en janvier, femme à évier », « femme en mai s’habille comme il lui plaît », ou « femme en août laisse planer le doute », et relever qu’il te manquait encore trois mois pour faire le tour de la question, je t’avais fait remarquer que ton calendrier féminin ne comptait que neuf mois, soit exactement la durée d’une grossesse, et demandé s’il fallait y voir une preuve de conditionnement implicite à ton rôle de mère. À quoi tu m’avais répondu d’un air ostensiblement amusé, pour autant que je m’en souvienne bien : « Oui, c’est vrai, je n’avais vraiment pas remarqué ». Le temps, pour toi, de nous gratifier de quelque-chose qui devait bien ressembler à « femme fameuse, infâme ou mal famée, telle est-elle vraiment la question ? », Je m’étais porté volontaire pour trouver de quoi remplir les trois mois restants, à quoi tu m’avais répliquée, toujours avec la même préoccupation à ne surtout pas redevenir sérieuse : « Mais oui ! Fais-le si ça te fait plaisir. C’est à ça que ça sert ». Et au final, face à la pluie de propositions et contrepropositions, honorée, de surcroît, par quelques retweets, tu n’avais plus qu’à nous souhaiter une bonne nuit, heureuse d’avoir transformé ton envie de défoulement en un virus contagieux de l’acrobatie verbale en bande organisée sur la foi d’une démarche a priori des plus absurdes et irréfléchies… Alors, ma foi, n’hésite pas non plus à t’essayer à la poésie ou à réitérer, sous forme d’un article de blog, une sorte de collection désordonnée de phrases à l’image de ce que donne, à la lecture, la compilation de tes tous premiers tweets sous la rubrique « Twitter », juste pour te livrer en vrac les quelques pistes de réflexion qui me traversent l’esprit à l’heure où je t’écris !

    Bref, ma si chère Céline : heureux d’avoir découvert un peu mieux cette facette de ton âme d’artiste, très fier de toi parce que je crois en ton potentiel si prometteur, j’espère faire encore un bon bout de chemin avec toi, et te souhaite encore plein, plein d’inspiration et d’énergie créatrice !!!

    • cieljyoti dit :

      je lis avec avidité ton commentaire tellement juste. je viens d’apporter les corrections que tu soulignes avec un discernement sans égal. une chose me marque beaucoup. l’absence de ponctuation. oh oui tu as raison. je n’y avais jamais pensé. c’est vrai, je n’aime pas mettre des points marquant sans doute inconsciemment un arrêt là où je ne rêve que de continuité. tu vois tellement de choses sur moi que, loin d’en être gênée, j’en redemande ! je peux t’avouer un petit secret. si je ne suis pas chrétienne, j’ai passé ma scolarité dans un établissement chrétien (protestant) à HK. si je ne suis pas croyante, encore moins pratiquante, je suis tombée sous le charme des paroles de jésus christ, plus exactement de ses paraboles. voilà la source de tout ce que j’écris et pense. je me suis mise à mettre en paraboles tout mon quotidien, à cette différence près et de taille, j’ai ce que l’on peut appeler de l’humour. jésus a son dieu, le mien, c’est le rire. jésus parcourt son calvaire grâce à sa foi, moi je mène ma petite existence grâce à mon rire. oui, j’ai tendance à penser que nous sommes tous comme des bébés dans l’existence. comme tu l’as remarqué, toute la nouvelle met en scène des hommes. la parabole de l’histoire est, comme tu l’as vu, cette incapacité à communiquer, à vivre avec les autres. la clé de cette nouvelle réside dans la dernière phrase, « certains voient leur femme comme une tour de verre ». les petits hommes en viennent à briser leur tour, au lieu de chercher à comprendre, ils préfèrent tout casser. je le répète, tout ce que tu dis sur moi est juste. je ne cherche pas d’excuse, mais tu as raison, mon manque d’attention vient du fait que je fais plusieurs choses à la fois, études, écriture, etc. parfois, même si je n’en suis pas consciente sur le coup, je mélange un peu tout ! merci donc infiniment pour cette attention que tu m’offres si généreusement. 4 gros bisous

      • Merci beaucoup pour ta réponse, si riche d’enseignements, aussi bien à ton sujet qu’en ce qui concerne la clé de ta nouvelle !

        Pour avoir certainement fait encore pire que toi en matière de conditionnement éducatif par des institutions religieuses (me retrouver scolarisé, en tant que Protestant, dans des établissements catholiques jusqu’en Terminale), j’avais déjà noté depuis un moment combien la parole du Christ, notamment sa vision de l’amour, influence nombre de tes propos. Et pour te faire une confidence, moi aussi : en interrogeant le plus célèbre des moteurs de recherche à ton propos, par simple curiosité à un moment où il me restait quelques minutes à tuer avant de tomber de fatigue, je me suis effectivement aperçu de ton environnement éducatif grâce à ce seul lien évident entre HK et toi, hormis ton blog et ton compte Twitter. Au fil de tes écrits, je réalise non seulement combien tu parviens à t’épanouir par une vision saine du rire, à savoir tout l’inverse de ces ricanements bêtes et méchants par lesquels d’aucuns ne cherchent qu’à blesser pour mieux se sentir exister, mais aussi à quel point tu aspires sans relâche à l’utiliser comme un moyen de communication, d’échange et de partage dans lequel l’autre a toute sa place. En somme, ce pour quoi je t’admire, te respecte et t’estime tant, ce pour quoi j’ai tant apprécié d’avoir fait ta connaissance alors que j’aurais tout de suite pris la fuite si j’avais eu l’impression d’être l’objet d’un quelconque mépris de ta part, c’est que tu arrives si bien à te moquer AVEC LES AUTRES là où le ricaneur bête et méchant se moquerait simplement DES AUTRES. Comme tu le sais bien, j’ai eu beaucoup de mal à m’y faire, probablement encore beaucoup plus de difficulté à apprécier ce trait de caractère fondamental au début de nos relations parce que j’étais dans des dispositions d’esprit bien trop mauvaises pour ce faire, mais pour avoir trouvé goût à l’humour en tant que forme d’expression lorsque j’étais encore moins aigri par la vie, je t’assure que tu me donnes vraiment envie de m’exprimer parfois un peu moins sérieusement. Puisse donc le virus de ton approche humoristique de la vie me contaminer avec mon plein accord, et puisses-tu trouver encore longtemps de quoi m’y aider et m’y accompagner de tout ton coeur, quitte à me gratifier tout simplement de quelques acrobaties verbales ou d’un zeste de poésie au lieu de rester silencieuse dans ces moments où tu ne sais que me répondre sur certains sujets de fond. Si heureux de savoir que tu apprécies ce que je tiens à te communiquer, je le suis tout autant d’avoir encore tellement de belles choses à apprendre de toi !

        Heureux, par exemple, d’avoir réalisé, grâce à ta réponse, à quelle conclusion tu voulais parvenir dans ta parabole ! À force de m’être concentré sur les analogies entre tes chevaliers et les Humains, j’avais, certes, relevé ta pique finale sur le fait que les hommes considèrent les femmes comme des tours de verre, donc comme des espèces de créatures à la fois assez transparentes pour ne mériter qu’indifférence et mépris de leur existence propre, et dignes d’être détruites à l’issue d’une relation infructueuse, mais comme l’histoire me semblait totalement révolue avec la destruction de la tour, je n’y avais lu qu’une sorte d’épilogue ou d’épiphénomène là où il aurait peut-être effectivement fallu voir toute la morale de la nouvelle. Je commence à réaliser combien le sujet des rapports hommes/femmes est, pour toi, encore bien plus que le fil rouge de toute ton existence dans la mesure où d’améliorer la compréhension de la gent féminine constitue presque ta raison de vivre. Là aussi, je te souhaite d’avoir encore moult occasions d’aiguiser ma curiosité et de m’en apprendre encore beaucoup plus que je n’ose l’imaginer aujourd’hui !

        « Évangile » n’étant rien d’autre qu’un terme religieusement savant censé désigner la Bonne Nouvelle, je te souhaite donc décrire encore tout plein d’évangiles bien à toi, avec cet énorme privilège d’être ce que même Jésus ne semblait pas avoir prévu : non pas UN, mais UNE évangéliste:-) !

      • cieljyoti dit :

        c’est mon grand-père paternel qui m’a appris que tout ce que l’on ne parvient à dire, on y arrive à l’aide de l’humour. je pense réellement qu’un humour bien maitrisé peut exprimer infiniment plus qu’un discours « raisonnable ». mais bon ? je rêve d’écrire un pastiche du da vinci code avec une autre révélation encore plus incroyable. dis comme ça, suis sûre que tu devines peut-être laquelle ? mais là il me manque un savoir religieux que je suis trop loin de posséder, donc je dois sérieusement me documenter avant.

  4. marc dit :

    hum hi hi hi ta response a Christian le 19 sa ma fait bien rire

  5. Oussama Muse dit :

    Mais dites, médite, c’est cent commentaires, par ici, si!

  6. Oussama Muse dit :

    Mais dites, spirituellement, médite, religieusement, c’est cent commentaires par ici, si!

    http://oussamamuse.wordpress.com/2011/06/06/a-dieu-aux-dieux-sil-en-est-nest-il-pas/

  7. oussamamuse dit :

    Mais dites, spirituellement, médite, religieusement, c’est cent commentaires par ici, si!

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