Pourquoi je choisis de vivre en Chine
La vie française est si facile, si confortable, si sécurisante, qu’on oublie de vivre avec les autres. Il suffit de se laisser aller à ses habitudes pour que tout s’enclenche tel une mécanique d’horlogerie. Le bonheur artificiel finit par anéantir l’humanité dont nous avons besoin à coup d’évidences et de bons sentiments. Il suffit de voir les cohortes de mendiants professionnels dans les rues de Paris pour comprendre à quel point les Français ont mauvaise conscience et ont perdu le sens des réalités. Un monde de spectateurs où chacun se renvoie la balle.
En Chine, il y a moins de mendicité. La mendicité s’agglutine où s’assemblent les touristes, c’est à croire que la France est devenue un pays de touristes. La terre chinoise à bien des endroits est ingrate, rien n’est jamais simple, difficile de trouver un sentiment de sécurité dans un monde où il faut se battre pour survivre. Quand on ne travaille pas, on meurt. En France, pour vivre, il faut travailler le moins possible. Les loisirs sont une industrie florissante, les gens ont le temps de s’admirer. En Chine, on n’a du temps pour rien, il faut constamment avancer sous peine de disparaître.
La France est un vieux pays vivant sur son autrefois. Le passé est plus protégé que le présent, car il possède une valeur touristique sans égale. Tout ce que l’on vit en France est rattaché à une histoire qui ne nous appartient pas en propre et dont nous sommes que les locataires. En Chine, on a fait table rase du passé. La Révolution culturelle croit que l’on peut construire un présent sans passé. Erreur, les touristes se fichent des progrès des entreprises, ils réclament le prestigieux passé de la Chine impériale. Paradoxe pour la Chine communiste qui voulait oublier l’Empire et qui doit reconstruire son antan pour attirer les devises dont elle a tant besoin.
Tellement de ressemblances. Un peuple de paysans, de traditions millénaires, d’amour de la bonne chère et de relations humaines. Tant de dissemblances. Un peuple qui travaille pour survivre. La France est un petit pays riche bénéficiant d’une terre pleine de ressources. Il y a des ressources en Chine, mais il faut travailler dur pour les obtenir. La vie est si aisée en France qu’on en vient à mépriser les gens autour de soi. La vie chinoise est si pénible qu’on voit les autres comme un recours nécessaire.
La Chine n’est pas une dictature, c’est un empire. Ce n’est pas une tyrannie, c’est une gigantesque administration pyramidale. Les Français adorent l’administration qu’ils voient comme le garant de leur démocratie. La Chine voit son administration comme un mal nécessaire. C’est un empire immense, mais dans un territoire relativement petit. Imaginez la France avec 200 millions d’habitants. Quand il y a trop de monde, la démocratie devient invivable. Il faut s’organiser et il faut imposer. Regrettable, mais pas d’autre alternative. La Chine n’a jamais été et ne sera jamais une démocratie même si localement on peut trouver une forme politique s’y rapprochant vaguement.
Les Français ont perdu le sens des réalités, ils vivent dans un rêve. On conforte ce qui flatte, on ne s’adapte plus aux nécessités du moment. Aussi brutale soit-elle, une crise a au moins l’avantage de réveiller les gens, de leur faire comprendre que les impératifs du quotidien s’accordent mal avec des idéaux dont on ne se donne même plus les moyens de réaliser. Tous ces avantages autour de nous, on les croit dus, on oublie qu’ils ont un coût et surtout un travail, ils ne tombent pas du ciel, il faut les alimenter de sueur humaine.
On cherche des boucs émissaires, les immigrés, les resquilleurs, les riches, parfois les femmes, tout y passe. C’est la faute à l’Europe, mais l’Europe est une chance unique. C’est la faute aux Chinois, mais la Chine est un formidable potentiel économique pour le marché français. C’est la faute aux riches, d’accord, mais s’il n’y en a pas, qui ouvre des usines et offre du travail ?
En France on adore l’esprit de clan se groupant en communautarisme inflexible quant au maintien de ses privilèges. En Chine, on adore l’esprit de famille. Il y a certes des clans, des privilèges et des communautés, mais pour survivre, elles doivent rester assujetties à la famille.
Je veux retourner en Chine parce que je veux me confronter à la vraie vie, pas à sa parade. En France, on est en représentation, à la télévision, dans les médias et même dans un bureau ou un atelier. En se présentant du mieux que l’on croit, on croit obtenir tout ce que l’on désire. En Chine, il y a des réussites exceptionnelles, mais elles sont nées dans le travail épuisant ne connaissant aucun répit. Il ne suffit pas de se montrer, pour exister, il faut se battre. Et c’est dans ce combat que nous menons quotidiennement que nous existons. En obtenant des avantages, on disparaît, en luttant pour eux, on existe. Je retourne en Chine parce que j’ai besoin d’exister.
Les Français ont la fâcheuse habitude de parler des autres dans le but de se valoriser eux-mêmes. On tombe dans des descriptions grotesques aussi bien de l’Asie que des États-Unis, voire des autres pays d’Europe. N’importe qui peut voyager aux États-Unis, en Europe ou ailleurs et découvrir que le monde décrit ne correspond pas à la réalité. En Asie, c’est différent. Les gens ne montrent rien, question de civilisation, mais aussi question de langue et de politesse. Un chinois ne voit pas la raison d’ennuyer un touriste avec ses problèmes.
Les Occidentaux en profitent pour raconter les pires âneries, les délocalisations, la politique économique chinoise agressive, des enfants au travail dès l’âge de 6 ans, des travailleurs qui gagnent juste de quoi survivre, etc. Les Chinois gagnent parce qu’ils trichent ! Non, ils réussissent parce qu’ils travaillent. Nouvelle tête de Turc, tous nos malheurs viennent de Chine. Il est plus difficile d’admettre que la Chine est une chance exceptionnelle pour la vieille Europe croulant sous son poids. On s’arrête aux problèmes sans voir les énormes avantages à tirer. Sans un minimum de réalisme, on peut s’attendre au pire. Plus facile d’accuser les autres que de comprendre ses torts.
Une autre différence essentielle entre la France et la Chine. En France on peut dire n’importe quoi, on absorbe. Peu importe ce qui est dit du moment que ça fait vendre. Il n’y a aucun risque. On peut dire du mal de Sarkozy sans en subir les retombées. C’est tellement simple que personne ne s’en prive. La foule finit par dire n’importe quoi. Quelle importance ? Dès qu’on trouve un méchant, tous les gentils de la terre se réunissent autour de lui pour lui jeter la pierre.
Il y a un tel flot de paroles dans les pays démocratiques, ce qui est plutôt une bonne chose en soi, les mots finissent par ne plus avoir de valeur et on assiste à des bavardages stériles dans lesquels il devient ardu d’avoir une parole qui porte. Dans ce flot, c’est celui qui parle le plus fort, c’est-à-dire celui qui en a les moyens, qui détient le pouvoir. C’est sans doute le mal nécessaire de toute démocratie. Malgré tout, quand on devient incapable de respecter la parole, curieusement on en vient à ne plus respecter les gens qui l’ont. Ceci est plus grave.
En Chine, il n’y a pas de liberté de parole. On peut parler, on peut dire tout ce que l’on veut, le public chinois est avide de nouvelles, mais on le fait à ses dépens. La sanction est immédiate et elle est impitoyable.
Albert Cheng (né en 1946) est un homme d’affaires hongkongais, un politique et un directeur d’une radio, connu pour ses prises de position libérales. En 1998, il est agressé et touché de huit coups de couteau dont aucun n’est volontairement mortel. Un avertissement ! Toujours en vie, il décide de continuer à dire ce qu’il croit. Il lui était facile de se taire. Il est riche, connu et respecté, mais il sait que l’on doit combattre pour ses convictions. C’est pour lui que j’ai décidé de travailler en Chine, parce que la vie vaut bien qu’on se donne un peu de mal pour elle. Ce sont les combats que nous menons à leur terme qui nous font exister.
Albert Ho Chun-yan (né en 1951) est secrétaire général du Hong Kong Alliance in Support of Patriotic Democratic Movements in China et président Parti Démocratique, membre du Legislative Council de Hong Kong depuis 1998. Le 20 août 2006, il est sauvagement attaqué par trois hommes armés de battes de baseball, ce qui lui vaut des fractures multiples, mais ne mettant là encore pas sa vie en danger. Un avertissement ! La démocratie qui nous parait évidente est un combat quotidien jusqu’à Hong Kong, ancienne enclave anglaise bénéficiant d’un statut avancé pour la Chine.
Ai Weiwei (né en 1957) est un artiste chinois ayant mené une minutieuse enquête sur la corruption du système politique chinois lors du tremblement de terre dans le Sichuan en décembre 2008. Sérieusement agressé par la police, il souffre d’une hémorragie interne. Il est emprisonné en novembre 2010. Il est de nouveau arrêté en avril 2011. Maltraité, sa santé s’est dangereusement dégradée. Qu’a-t-il dit ? Une énormité : des milliers de vies humaines auraient été sauvées si l’industrie du bâtiment obéissait plus aux lois de la sécurité de base que de l’argent de la corruption.
Depuis qu’un de ses fils est mort suite au scandale du lait contaminé en 2008, Zhao Lianhai est devenu un activiste contre le régime communiste, ce qui lui a valu pas mal de temps en prison. Il ne revendique rien d’autre qu’un peu de justice pour des personnes assassinées du fait de grosses sommes d’argent versées sous main pour échapper aux tests de sécurité que doivent subir tous les aliments avant d’être offerts aux consommateurs.
Liu Xiaobo (né en 1955), professeur et écrivain propulsé à un niveau international depuis qu’il obtient le prix Nobel en 2010, est arrêté en décembre 2008 officiellement pour subversion politique. Sa faute, il ne sait pas se taire quand il est témoin de tant d’injustices alors qu’il est lui-même un privilégié dans la société chinoise. Le régime communiste ne s’y est pas trompé, ceux qu’il faut avant tout frapper, ce sont ces intellectuels marginaux, socialement favorisés, ce sont eux les plus dangereux. Quand un privilégié dénonce des scandales, sa parole a infiniment plus de poids que celle d’un travailleur exploité.
Je m’arrête ici. La liste est longue de ces gens courageux qui luttent seuls contre un gouvernement qui a tous les pouvoirs et tous les droits. C’est un hommage sincère et profond que je veux leur rendre en exerçant mon métier de journaliste en Chine malgré les dangers encourus. Je ne suis pas courageuse, encore moins héroïque. Je suis peureuse. J’ai besoin d’apprendre à clamer des idées sans se heurter à l’idéologie dominante, par la ruse. Remuer les choses sans avoir l’air de le faire. Sans un minimum de contraintes à surmonter, on passe dans la vie dans un courant d’air. Même à mon infime niveau, je vais tenter de rejoindre ces voix qui apportent un peu de lumière dans cette nuit de l’empire chinois.
Comments
19 Responses to “Pourquoi je choisis de vivre en Chine”Trackbacks
Check out what others are saying...-
[…] puis, quelques petites initiatives comme jaimechine et rares témoignages sympas et intelligents […]
Mais non bien sûr, la Chine n’est ni une dictature ni une tyrannie, c’est un pays où il fait bon vivre à condition qu’on ferme sa gueule, qu’on soit corvéable à merci et qu’on accepte le fait que la démocratie, c’est pour les nuls c’est ça? ; )
Ta critique de la France, on croirait entendre les diplomates chinois en poste à Paris ^^
Bon courage en Chine, et avant d’y aller, tu devras faire tes adieux à WordPress et Twitter, parait que c’est très mauvais pour le bien-être des chinois ; )
tu es trop dur avec moi. j’essaye tout simplement de dire que les Français ont perdu quelque peu le sens des réalités. j’ai évoqué quelques célèbres dissidents en montrant que les velléités démocratiques coûtent très chers à ceux qui les défendent. en aucun cas, je ne prends parti pour le système chinois, tout au contraire. je veux essayer de dire que la répression chinoise, souvent impitoyable, obligent les gens à adopter des ruses de sioux qui me paraissent intéressantes pour mon éducation. si demain, j’insulte Sarkozy (que tu aimes autant que moi), ce que j’ai déjà fait d’ailleurs, je ne risque rien. je me défoule, mais je n’apprends rien. ce que j’essaye de dire est que ce que l’on apprend est plus important que ce que l’on croit savoir. oui le système chinois est pourri, mais pas forcément comme on l’entend trop souvent dire en France et ailleurs. suis entièrement d’accord pour la critique, mais pourquoi ne pas la justifier de faits authentiques au lieu de vagues impressions ne reposant sur rien ? tu ne crois pas ?
Désolé si mon commentaire te paraissait dur, mais j’ai trouvé que ta critique envers la France est totalement injuste (je ne suis pas français). J’essaie de comprendre parce qu’ayant vécu en France, je n’ai jamais trouvé une communauté aussi fermée sur elle que la communauté chinoise. Dans mon école, les chinois ne se mélangeaient pas aux autres nationalités et tenaient exactement la même critique que toi …
Si j’insulte Sarko, c’est parce que j’aime la France, qui malgré ses défauts (quelle nation n’en n’a pas) reste un incroyable pays, culturellement et socialement.
C’est ce « le système chinois est pourri » mais… qui me dérange dans tes propos, c’est comme si la Chine était « victime » des « vagues impressions » françaises, ou occidentales ! les faits sont là, le système chinois est impitoyable avec les chinois, avec les africains, le système économique chinois est vicieux, son essor se fait sur le dos de la misère des autres, l’innovation n’est que copie, piratage et vols industriel, la dictature chinoise est la plus cruelle au monde avec un nombre impressionnant d’exécutions, d’une balle dans la nuque, que la famille paie bien sûr. Tu me parles toujours de vagues impressions?
la France est une magnifique civilisation, la Chine aussi, je crois. il faut se méfier de tous les raccourcis que l’on trouve dans les médias d’un côté comme de l’autre. la Chine est victime des on-dit comme n’importe quel autre pays. je voulais simplement dire que j’ai quelque chose à apprendre en Chine parce que c’est encore sur place qu’on se fait la meilleure idée d’un pays, non ? suis toujours heureuse de te lire et j’apprécie beaucoup le ton direct que tu utilises
Bonjour,
Je suis venue quelques fois sur ton blog mais c’est la première fois que je commente et je le fais aujourd’hui par étonnement.
Pour très bien connaître la Chine, le pays, la culture (et en parler et en lire correctement la langue), j’ai le même sentiment d’agacement que tu ressens à l’égard du facile bouc émissaire qu’elle est pour une partie de la population du reste du monde. Bien souvent ceux qui veulent manipuler politiquement pour expliquer ceci ou cela brandissent le dragon chinois. Un peu n’importe comment, et pour un peu n’importe quelle raison. J’ai le sentiment qu’il y a 30 ans c’était le Japon, auparavant les Etats-Unis, nous sommes donc passés à l’ère de la Chine.
En revanche… je suis un eu étonnée par le reste. Les arguments que tu développes pour incriminer la France ont leur exact pendant en Chine. L’esprit de clan ? La diabolisation d’un groupe spécifique pour expliquer que ? Je ne peux pas tout reprendre mais ce que tu décris contre la France est malheureusement également valable pour la Chine (et pour bien d’autres pays en fait…). On travaille dur en Chine, oui, parce que l’on n’a pas le choix effectivement. L’absence d’Etat qui soutienne la population en est la plus stricte raison. Mais pas de morale austère et de don de soi derrière, pas de « bon Chinois » à l’instar du mythe du « bon sauvage » qui se dévouerait corps et âme pour le bien de son pays et des autres, mais simplement la triste réalité d’un Etat corrompu jusqu’à la moëlle et d’une population qui n’a de choix que l’individualisme le plus strict. Pour pallier ça ? La logique de clan, de groupe, qui suppose donc l’exclusion des autres. L’hyper segmentation d’une société qui n’a rien de solidaire. Les réussites exceptionnelles en Chine, il y en a beaucoup… elles sont gagnées à la sueur du front c’est certain, par l’entregent aussi, et dans la très grande majorité des cas, les retombées se manifestent dans l’apparat, l’ostentation (pas matérielle, différente en cela de l’Inde où je vis), l’arrogance. Vivre autre chose qu’une parade ? La Chine a l’esprit de parade, tout autant que n’importe quel pays, et tu verras les grands paons sur le front maritime comme tu verras les petits coqs dans l’intérieur des terres… Quant à blâmer les autres pour ses problèmes ? Tu verras, cela n’arrive pas tout de suite, pas frontalement, pas directement, mais ça vient… chaque peuple a ses racismes, chaque peuple a ses boucs émissaires… quand tu seras là-bas, évoque le SIDA par exemple, évoque l’Afrique.
Je ne veux pas démonter ton argumentaire point par point, ce n’est pas le lieu. Simplement te dire que ces quelques hommes qui luttent et dont tu salues le travail (avec raison !) sont essentiellement connus à l’étranger, Ai Weiwei en tête, et qu’il y a une bonne raison à cela. Manque d’information, manque d' »éducation » politique, manque d’esprit de lutte parce que même dans les élites, la structure politique engage au conservatisme absolu et crasse de la très très très grande majorité de la population.
Et là, il est fort possible que dans ton travail de journaliste un trait souvent typique de ceux passés par le système scolaire et universitaire occidental, et notamment français, vienne à se heurter aux paroles des gens que tu rencontreras, un trait que tu attendras de certains que tu rencontres, certains pourtant plus cultivés que « l’homme de la rue »… l’esprit critique. Et de même qu’actuellement la France t’insupporte (je suis partie de France en claquant (presque) la porte, et j’étais bien contente de laisser derrière moi une France politique insupportable…), la Chine t’insupportera sans doute bientôt aussi, pour les mêmes raisons. Non pas par son incapacité à aller de l’avant mais pour son incapacité à penser le collectif, à vouloir le collectif. Si tu cherches l’esprit de sacrifice et de don de soi pour le vivre ensemble, tu ne le trouveras pas plus en Chine qu’ailleurs, malheureusement…
Mais il faut des voix de journalistes étrangers sur place, j’espère que tu obtiendras ton visa si tu pars « à découvert » et sinon, fais attention à ce que ton « statut » ne soit pas découvert (surtout, je ne sais pas du tout si c’est le cas, si tu es d’origine chinoise par ton nom et les traits de ton visage : paraître chinois a de très nets avantages mais peut aussi être un réel inconvénient quand on a affaire à la police).
Et, rien à voir, pour rebondir sur ce que dit M1, WP et Twitter sont effectivement totalement bloqués en Chine (ils marchent à HK), j’ai pu le vérifier il y a quelques mois encore.
Et encore une chose… une petite suggestion… profite un jour si tu as l’occasion d’aller en Chine. En République de Chine je veux dire. Taïwan… Voir comment dans un pays beaucoup moins peuplé mais plus surpeuplé, moins soumis au développement actuel à tout crin de la Chine continentale, profite pour y voir comment dans un pays de culture et de pensée chinoise on développe le vivre ensemble et le rapport à l’autre, la liberté de parole et la contestation… la comparaison des deux Chine est passionnante à cet égard 🙂
merci infiniment pour ce long commentaire très enrichissant. j’ai fait exprès de choisir des dissidents connus pour ne pas ennuyer le lecteur de noms inconnus. bien entendu, il s’agit d’un petit article, pas d’une étude poussée sur la chine. suis née à Hong Kong où j’ai toujours vécu, si ce n’est ces 4 ans d’étude en France. je ne peux pas entrer dans les détails. pour faire court, suis chinoise, mais je ne crois pas en cette chine actuelle qui me parait artificielle. selon les économistes de ma région, la situation actuelle de prospérité ne dépassera sans doute pas les 10 ans. il y a de trop de problèmes que l’argent ne peut résoudre, du moins en un temps si court. sans parler, comme tu le dis, de la gangrène de la corruption. cette chine, « première » puissance économique est une illusion largement entretenue par l’occident pour justifier ses échecs. « c’est la faute aux chinois » ! ce qui m’a frappée le plus en France, c’est cette manie de tout ramener à la politique en oubliant les personnes. la chine, avant d’être un dragon, est d’abord une personne. c’est cette personne que je défends. comme j’ai une petite famille française, j’ai pu comparer avec ma famille chinoise. pour moi, c’est le jour et la nuit. dans ma famille chinoise, j’ai un soutien à tous les niveaux que je n’ai jamais trouvé en France. tu connais très bien la Chine et suis vraiment très heureuse d’avoir pu te lire
Certaines vérités méritent d’être écrites et donc lues et tu le fais très bien. Nous avons de la chance de lire des personnes comme toi, généreuses, cultivées (et pour toi double culture voire triple) et en même temps qui ne se bercent pas d’illusions. Je déplore l’agressivité de certains Français, leur chauvinisme et chez certains intellectuels ou analystes politiques leur ethnocentrisme et ce côté imbu d’eux-mêmes… Espère te lire encore longtemps.
oui, exactement, l’agressivité de certains français pour ce qu’ils ne veulent pas connaître est à l’origine de ce petit texte, merci infiniment pour ton commentaire
Je ne parlais pas de civilisation, mais de l’entité socio-culturelle, de tissu socio-culturel, politique, de la vision globale du monde, d’ouverture… et là, il n’y a pas de raccourcis, de on-dit, la Chine n’est pas victime mais elle aime se positionner en tant que victime, parce que toute dictature qui se respecte, adore dire que « son modèle est jalousé, que le bonheur de ses citoyens et envié ».Je pense qu’aujourd’hui, c’est la Chine qui a beaucoup à apprendre du monde, que cette auto-suffisance socialo-politico-culturelle chinoise s’effondrera un jour, comme les dictatures arabes. C’est un plaisir de te lire également, tu sais très bien que je ne mâche jamais mes mots, donc encore désolé si je te bouscule un peu ; )
Ps : dans les archives de mon blog, il y a quelques bons posts sur la sarkochine, tu devras les lire avant de partir en Chine, mon blog y est censuré ; )
nous avons tous beaucoup à apprendre les uns des autres, je crois. tu as bien raison de ne pas mâcher tes mots, c’est pour ça qu’on t’apprécie
Mais là il ne s’agit pas d’apprendre de nos différences, t’es bien d’accord? : )
suis chinoise de Hong Kong venue me nourrir des différences françaises et repartie vivre les différences de mon pays, et toi ?
Bonjour,
Je suis venue quelques fois sur ton blog mais c’est la première fois que je commente et je le fais aujourd’hui par étonnement.
Pour très bien connaître la Chine, le pays, la culture (et en parler et en lire correctement la langue), j’ai le même sentiment d’agacement que tu ressens à l’égard du facile bouc émissaire qu’elle est pour une partie de la population du reste du monde. Bien souvent ceux qui veulent manipuler politiquement pour expliquer ceci ou cela brandissent le dragon chinois. Un peu n’importe comment, et pour un peu n’importe quelle raison. J’ai le sentiment qu’il y a 30 ans c’était le Japon, auparavant les Etats-Unis, nous sommes donc passés à l’ère de la Chine.
En revanche… je suis un eu étonnée par le reste. Les arguments que tu développes pour incriminer la France ont leur exact pendant en Chine. L’esprit de clan ? La diabolisation d’un groupe spécifique pour expliquer que ? Je ne peux pas tout reprendre mais ce que tu décris contre la France est malheureusement également valable pour la Chine (et pour bien d’autres pays en fait…). On travaille dur en Chine, oui, parce que l’on n’a pas le choix effectivement. L’absence d’Etat qui soutienne la population en est la plus stricte raison. Mais pas de morale austère et de don de soi derrière, pas de « bon Chinois » à l’instar du mythe du « bon sauvage » qui se dévouerait corps et âme pour le bien de son pays et des autres, mais simplement la triste réalité d’un Etat corrompu jusqu’à la moëlle et d’une population qui n’a de choix que l’individualisme le plus strict. Pour pallier ça ? La logique de clan, de groupe, qui suppose donc l’exclusion des autres. L’hyper segmentation d’une société qui n’a rien de solidaire. Les réussites exceptionnelles en Chine, il y en a beaucoup… elles sont gagnées à la sueur du front c’est certain, par l’entregent aussi, et dans la très grande majorité des cas, les retombées se manifestent dans l’apparat, l’ostentation (pas matérielle, différente en cela de l’Inde où je vis), l’arrogance. Vivre autre chose qu’une parade ? La Chine a l’esprit de parade, tout autant que n’importe quel pays, et tu verras les grands paons sur le front maritime comme tu verras les petits coqs dans l’intérieur des terres… Quant à blâmer les autres pour ses problèmes ? Tu verras, cela n’arrive pas tout de suite, pas frontalement, pas directement, mais ça vient… chaque peuple a ses racismes, chaque peuple a ses boucs émissaires… quand tu seras là-bas, évoque le SIDA par exemple, évoque l’Afrique.
Je ne veux pas démonter ton argumentaire point par point, ce n’est pas le lieu. Simplement te dire que ces quelques hommes qui luttent et dont tu salues le travail (avec raison !) sont essentiellement connus à l’étranger, Ai Weiwei en tête, et qu’il y a une bonne raison à cela. Manque d’information, manque d’ »éducation » politique, manque d’esprit de lutte parce que même dans les élites, la structure politique engage au conservatisme absolu et crasse de la très très très grande majorité de la population.
Et là, il est fort possible que dans ton travail de journaliste un trait souvent typique de ceux passés par le système scolaire et universitaire occidental, et notamment français, vienne à se heurter aux paroles des gens que tu rencontreras, un trait que tu attendras de certains que tu rencontres, certains pourtant plus cultivés que « l’homme de la rue »… l’esprit critique. Et de même qu’actuellement la France t’insupporte (je suis partie de France en claquant (presque) la porte, et j’étais bien contente de laisser derrière moi une France politique insupportable…), la Chine t’insupportera sans doute bientôt aussi, pour les mêmes raisons. Non pas par son incapacité à aller de l’avant mais pour son incapacité à penser le collectif, à vouloir le collectif. Si tu cherches l’esprit de sacrifice et de don de soi pour le vivre ensemble, tu ne le trouveras pas plus en Chine qu’ailleurs, malheureusement…
Mais il faut des voix de journalistes étrangers sur place, j’espère que tu obtiendras ton visa si tu pars « à découvert » et sinon, fais attention à ce que ton « statut » ne soit pas découvert (surtout, je ne sais pas du tout si c’est le cas, si tu es d’origine chinoise par ton nom et les traits de ton visage : paraître chinois a de très nets avantages mais peut aussi être un réel inconvénient quand on a affaire à la police).
Et, rien à voir, pour rebondir sur ce que dit M1, WP et Twitter sont effectivement totalement bloqués en Chine (ils marchent à HK), j’ai pu le vérifier il y a quelques mois encore.
Et encore une chose… une petite suggestion… profite un jour si tu as l’occasion d’aller en Chine. En République de Chine je veux dire. Taïwan… Voir comment dans un pays beaucoup moins peuplé mais plus surpeuplé, moins soumis au développement actuel à tout crin de la Chine continentale, profite pour y voir comment dans un pays de culture et de pensée chinoise on développe le vivre ensemble et le rapport à l’autre, la liberté de parole et la contestation… la comparaison des deux Chine est passionnante à cet égard
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Je suis tunisien (je ne veux surtout pas t’impressionner ^^) j’ai vécu à Paris puis reparti vivre dans mon pays… à vrai dire, c’est pas très différent …
Dans les démocraties consolidées du monde contemporain, comme la France, nous voyons un contraste paradoxal entre l’efficacité des institutions publiques et le déclin de la mentalité collective. L’individu a pris une telle ampleur que l’Etat lui-même a sa valeur anéantie; le cas Julian Assange en constitue peut-être l’icône parfaite. L’individualisme croissant se déploie dans les attitudes négatives du relativisme, de l’isolationnisme, de la xénophobie et l’étrangeté de l’autre. L’individu peut tout faire, tout le monde peut parler, mais les effets de leurs actions et leurs paroles sont noyées par l’absence du sens collectif: tout est jetable, tout dépend de la perspective de chacun. Personne ne veut écouter personne, mais tous veulent être entendus. Chacun veut que ses paroles personnelles soient entendues. Et ainsi, celui qui crie le plus fort obtient ce qu’il veut. Le pouvoir de l’individu est détruit par son propre individualisme.
La Chine, c’est le contraire. Là on sait bien la valeur du collectif, on n’a pas oublié que c’est faible la ligne qui sépare un individu du reste de sa société, sa famille, son lieu. Ici, cependant, c’est l’individu qui meurt. L’absence totale de liberté, cette vie darwinienne de lutte éternelle, cet idéal de se donner sans limites, ce présent infini, sans passé ni avenir, cette vie de pur travail et rien de jeu, tout cela ébranle le sens ultime d’une société juste: permettre à ses individus de vivre em abondance. À vrai dire, il faut d’abord avoir quelque chose à la main avant de pouvoir donner quelque chose aux autres. Il faut premièrement s’aimer avant d’aimer son prochain comme soi-même. En Chine, la puissance du collectif est ruiné par le collectivisme.
Je comprends votre préférence pour la vie en Chine: voilà une terre à cultiver! Mais ça doit être fait avec la croyance du changement: la Chine peux, et doit, devenir une societé beaucoup meilleure que la France, mais aussi beaucoup meilleure que la Chine.
Désolé pour la réponse très longue. Et pour le mauvais français! ;D
merci beaucoup pour ce commentaire que je partage complètement. merci pour cette compréhension et cette écoute qui me remplit de bonheur
Excellente feuille..
tu fais partie des 5 français à avoir les yeux ouverts !
merci, ça me fait très plaisir, serais curieuse de savoir qui sont les 4 autres ?