Albrecht Dürer (1471-1528)
Être n’est jamais évident, l’évidence qu’on peut en avoir est une croyance parmi d’autres. Quand on est créateur, sortant constamment de soi, être est encore moins évident. En gros, jusqu’au XVIè siècle, on n’existe que par ce que l’on réalise et peu importe qui l’on est vraiment. L’œuvre compte plus que le reste. Jusqu’à aujourd’hui, il est des artistes dont on ne sait presque rien parce qu’ils se veulent tout entiers dans leur création. Pour d’autres, au contraire, on croule d’informations de toutes sortes et l’on possède une image fidèle d’eux. Dürer se raconte et se montre, d’autres apportent des témoignages. Il est l’une des premières stars de la peinture.
Quand on aime quelqu’un, on en fait un ange. On lui trouve les qualités qu’on veut avoir. On lui donne tout ce que l’on rêve d’être. Tout ce que l’on refuse ordinairement aux autres, on le lui offre sur un plateau doré. On se flatte par ceux que l’on aime. Ce que l’on aime chez les autres explique ce que l’on ne peut aimer chez soi. L’amour n’est pas une question de générosité, de reconnaissance. Reconnaître cet idéal qui nous manque dans la médiocrité de notre existence. Et plus on patauge dans la misère, plus on rêve de richesse, plus on idéalise. Il est difficile de ne pas aimer Dürer. Il a tout pour lui, du moins est-ce ce qu’il s’ingénie à montrer.
Son père, Albrecht (1427-1502), hongrois d’origine, s’établit définitivement à Nuremberg en 1455 après un long séjour en Flandre. On le dit originaire d’Ajtos (actuelle Bulgarie), « porte », Türen allemand, d’où Dürer. Nuremberg est alors un des centres économiques de l’Europe grâce à de puissantes familles de commerçants et de banquiers disposant d’un vaste réseau allant de Venise aux Flandres. Il y a belle lurette que l’économie locale a fait place à une économie internationale.
Orfèvre, le père possède sa maison en 1475, puis son magasin en 1480. C’est un homme aisé qui, en 1475, épouse Barbara Holper qui lui donne 18 enfants dont trois vont survivre. Albrecht est le troisième. Après avoir suivi sa scolarité, il devient apprenti auprès de son père aux alentours de 1483. Il apprend à graver le métal à l’aide d’un burin. Avec une formation d’orfèvre, il est destiné à remplacer son père, pourtant, celui-ci accepte sa vocation. Fin novembre 1486, il entre dans l’atelier du peintre Michael Wolgemut, lui-même ancien élève et associé de Hans Pleydenwurff (vers 1420-1472),l’un des premiers allemands à montrer l’humain intérieur sans sa fonction, la peinture l’attire plus que tout. L’atelier du peintre produit aussi des gravures sur bois pour des livres illustrés édités par Anton Koberger, le parrain d’Albrecht. De 1490 à 1494, sur l’insistance de son père, il voyage.
Albrecht se dirige naturellement vers la gravure sur cuivre, procédé apparu en Allemagne en 1430. Le bois est gravé vers 1400 en Europe. Il veut suivre les traces du Maître E. S. (actif entre 1450 et 1467), du Maître du livre de raison, Meister des Hausbuches, Hausbuchmeister (actif de 1470 à 1505), probablement issu des ateliers d’enlumineurs hollandais, et de Martin Schongauer, ancien orfèvre, les initiateurs de la gravure sur bois et cuivre. La technologie permet désormais l’emploi d’une pointe de plomb pratiquement comme un dessin normal, d’où la qualité. Le Hausbuchmeister apporte une imagination délirante dotée d’un réalisme cruel sans atteindre le fini esthétique de Schongauer, le maître du genre, celui que tout graveur se doit d’imiter. Le maître du livre de raison, moins soucieux d’esthétisme, recherche la touche pittoresque, humoriste et poétique, synthèse de l’art allemand. Schongauer amène la gravure au niveau de l’art où s’engouffre Albrecht.
Albrecht veut devenir son élève, il se rend à Colmar, trop tard, le maître meurt prématurément en février 1491. En fait, il met près de deux ans pour faire ce premier voyage, il ne semble pas pressé. A-t-il résidé en Allemagne auprès du maître E. S. et du Hausbuchmeister ou s’est-il rendu dans les grands centres de l’art flamand, Bruxelles, Bruges ou Anvers, on ne sait pas. Il est accueilli par les frères Schongauer. L’un des frères, Georg, étant établi à Bâle, alors premier centre européen du livre, il s’y rend, probablement au printemps 1492. Il s’y fait rapidement connaître grâce à un portrait de saint Jérôme, publié le 8 août 1492. Il impose un style nouveau qui plait. Il illustre La Nef des fous de Sébastien Brant parue en 1494 à Bâle en utilisant une technique réaliste, le principe étant de se moquer de la folie humaine. Des illustrations brillantes qui vont dans le sens du texte moralisateur, pas au-delà. Dürer porte la forme à une perfection, il s’y arrête, il ne la fait pas exploser en une multitude de sens. Une réalité que le spectateur ne manque pas de reconnaître et de remplir à sa guise. Il est à Strasbourg durant l’automne 1493.
En juillet 1494, il épouse Agnès (1475-1539), la jolie fille de Hans Frey, mentionné comme fabricant d’objets de cuivres et notable. Femme acariâtre ou femme déçue de se voir négligée par son mari, le couple sans enfants ne sera jamais heureux. Albrecht est un homme trop ambitieux pour s’attarder aux désirs d’une femme. Il se veut un homme seul accompagné de ceux qui l’aiment et l’apprécient. On a émis l’hypothèse qu’il est bisexuel sans attirance spéciale pour les femmes. On a prétendu que sa femme, par jalousie, faisait tout pour ruiner son mari par cupidité l’obligeant à travailler sans relâche. Quoi qu’il en soit, les deux caractères sont trop impétueux pour accepter l’indispensable compromis. Un mariage d’intérêt, une dot généreuse, pas d’amour.
Trois mois plus tard, seul, il est à Venise où il séjourne un peu moins d’un an. Le plus italien des Allemands, fasciné par la souplesse méridionale. Il est saisi par l’idée d’une Wiedererwachsung, Renaissance, non seulement artistique, mais à tous les niveaux, il se veut l’initiateur d’un monde nouveau dans le Nord. Il a besoin d’ardeur, Venise (aussi Trente, Padoue, Mantoue et Crémone) la lui offre sur un plateau doré. Ce que ne sait pas Dürer est que ce terme de Renaissance cache une ignorance, un refus de tout ce qui se réalise au nom d’une prétendue nouveauté. Le terme de Renaissance est méprisant et hautain pour les siècles qui ont construit cet art qui ne demande qu’à éclore. La recherche effrénée de l’antiquité, d’un monde achevé, pour lui redonner vie en plaçant délicatement un bisou sur ses lèvres, n’est-ce pas l’impuissance du présent ? L’enthousiasme triomphe. Avec Dürer s’installe la mode de faire son voyage initiatique en Italie pour un peintre. L’art est un va-et-vient, à chaque va ou vient, un plus ou un moins, un pas en avant, de travers, en arrière, la ligne droite est la plus stupide et la moins riche, l’histoire de l’art.
Dürer est un inconnu qui ne connait pas grand monde. Il n’intéresse personne, un simple badaud dans un univers en train de se construire. Il apprend ce qu’il trouve, ce qui existe déjà et qui accepte de s’offrir à ses yeux. Il n’est introduit nulle part, à lui de creuser son petit trou et de le remplir comme il peut. Le don est en lui, cette extraordinaire capacité au dessin, il veut s’alléger pour prendre son envol. Il croit qu’en raisonnant juste, on vole plus haut. Il se trompe, raisonner est terre-à-terre, une façon de s’attacher à la matière en regardant s’enfuir ce qui lui échappe, la vie s’envole, le raisonneur rentre chez lui. Le souffle de la peinture allemande est mystique, quand on ôte sa spiritualité, reste une énorme machine qui a du mal à se déplacer. Elle s’est épanouie de peinture flamande et hollandaise, elle rêve de légèreté, Dürer tombe à pic.
Que découvre Dürer ? L’humanisme est un sentiment de supériorité, celle de l’art sur sa représentation, de l’art sur le religieux. Il comprend que le profane possède une richesse supérieure au sacré perclus de dogmatisme. « L’art est dans la nature (Quatre livres des proportions humaines). » Une révolution dans un monde où l’art est intimement lié au religieux au point de s’y fondre. L’humanisme donne à l’art une théorie qu’il semblait ne jamais avoir. Dès lors, il semble que l’on puisse faire ce que l’on veut et non plus se soumettre à des consignes venant d’au-dessus. Mais pour entrer dans le réel, il faut lui donner ses lettres de noblesse, il faut le rendre bouleversant. Bosch, puis Grünewald ont plongé le religieux dans un réalisme saisissant. Dürer veut assaisonner le réalisme de religion. Le drame n’est plus religieux, il est humain. Le peintre manie le drame avec dextérité, il en met partout jusque dans les objets les plus anodins.
En un espace réduit, il parvient à concentrer un ensemble de détails empoignant l’esprit pour le transporter dans une réalité idéale. Il veut donner au réel le sens d’une révélation. Le réel est une énigme, Dürer en dévoile le secret. Ce qu’opérait auparavant le religieux, l’art le prend entièrement à sa charge allant jusqu’à se substituer à la foi même s’il paraît, à première vue, s’y soumettre. Ce n’est pas tant l’art qui s’empare du religieux que le religieux qui devient art, une parure indispensable pour donner à la croyance le sens d’une initiation. Le religieux ne s’oppose plus à un profane révélant enfin la part divine en lui.
À l’origine et jusque vers la fin du XVè siècle, le portrait a une fonction religieuse où l’être est montré dans une attitude de piété, généralement en train de prier ou de s’extasier devant le divin. Seul le roi, représentant de Dieu sur terre, a droit à son portrait. Le portrait de Robert de Masmines, en 1425, par Robert Campin est un des premiers portraits de trois-quart montrant un individu sans référence aucune à un aspect religieux. Quand Dürer arrive sur scène, le portrait profane a déjà une longue histoire derrière lui. L’intérêt de montrer un saint, voire Jésus lui-même, est d’en souligner l’aspect humain. Il faut vaincre ce qu’il faut gagner. Le religieux est déjà soumis d’avance puisqu’il est aisé de représenter ce que tout le monde partage. En revanche, montrer de l’intérêt dans un moment de réalité est autrement plus difficile puisque chacun a sa façon bien à lui de vivre ce moment qu’il n’est pas prêt de reconnaître chez autrui. Le profane est une victoire sur le religieux. Quand Dürer arrive, cette victoire est déjà assurée grâce au travail des peintres flamands et néerlandais, mais aussi allemands. Le peintre allemand apporte une touche unique donnant au profane ses lettres de noblesse.
Installé à son compte à Nuremberg, il se lance dans son travail avec une fertilité étonnante. Il est l’un des tout premiers peintres de Nuremberg à graver le cuivre (la gravure est en relief sur bois, elle est en creux sur cuivre), une technique qu’il porte à son sommet, sans abandonner la gravure sur bois. À cette époque, les illustrations de livres sont réalisées sur du bois. En pratiquant les deux, il augmente sa clientèle. La gravure est un moyen d’enrichissement plus que la peinture. S’il ne peut échapper aux thèmes religieux critiques à l’égard de la papauté annonçant sa foi luthérienne, il entre de plain-pied dans l’iconographie profane, d’inspiration humaniste.
Les clients affluent, pas des moindres, Frédéric III de Saxe, le puissant duc de Saxe, devient l’un de ses admirateurs à partir de 1496, date de visite du duc à Nuremberg. L’artiste plait, il s’inscrit à merveille dans le besoin pour un art allemand original et impétueux. Un mélange de force intérieure et de spiritualité donne une touche unique à la peinture allemande. Là où la peinture italienne se plait aux formes arrondies prisonnières des lignes droites de la perspective, la peinture allemande paraît fruste, mais profonde, animée d’un sentiment de supériorité refusant de s’assujettir à une forme. Au final, seule la culture triomphe. L’Italie se délecte de géométrie, son trait est rond, la ligne souple se plie volontiers aux rigueurs d’une ligne de fuite. La pesanteur de la perspective est la mère de la courbe telle qu’elle explose dans l’art italien. La peinture allemande, pour y accéder, doit plier. Albrecht Altdorfer est le seul allemand de l’époque à faire la jonction entre les deux esprits sans perdre son âme. Pas une question de mathématique, les Pays-Bas et l’Allemagne comptent des scientifiques exceptionnels, un esprit différent.
Dürer sait qu’il est un grand peintre, un génie, il entend le faire savoir à tous. Ses autoportraits qui ne sont pas sans rappeler la figure d’un Christ sont majestueux. Il ne se montre pas en peintre, en homme du monde, en jeune romantique avant l’heure. Il est beau, il veut l’être, il le montre en sachant se valoriser. Homme à l’éducation modeste, il est fier de fréquenter des humanistes et veut partager leur aura de sagesse. Il vise à être plus qu’un peintre, un artiste éclairé non seulement par son art, mais aussi par le savoir le plus avancé de son temps. Il admire ceux dont il attend l’admiration, il tolère les médiocres qui le mettent en valeur, il méprise ceux qu’il considère sans intérêt, il ignore les autres. En vendant plus, l’appât du gain, bien entendu, mais surtout une notoriété qui va croissante.
Les débuts sont difficiles. Il se plaint de travailler dur sans obtenir le gain qu’il mérite. Il dépense plus qu’il ne gagne, il accumule les dettes. Son séjour à Venise lui a rapporté gros, c’est pour cela qu’il retourne en Italie en 1505. Officiellement, selon Giorgio Vasari, il veut attaquer Marcantonio Raimondi qui a copié ses gravures pour les vendre à son seul profit. Il perd son procès, mais obtient de Marcantonio qu’il retire la signature du peintre sur ses copies. À l’évidence, les gravures de Dürer se détachent du lot pour être ainsi piratées. Peut-être pour la première fois, la propriété artistique est reconnue. Cette mésaventure fait que l’artiste allemand est désormais plus critique à l’égard de la peinture italienne. D’ailleurs, il fréquente plus les Allemands installés que les Italiens avec lesquels il a du mal à s’exprimer. Dürer est trop allemand pour s’extasier devant la peinture italienne, il est persuadé qu’en possédant la géométrie italienne, il peut faire mieux. Le génie de la forme juste. Sans orgueil, on devient un pâle copiste. Il n’admire pas la peinture italienne, il veut la dépasser. Cette même année, il réalise le portrait magistral d’une Jeune Vénitienne. Il ne peint pas une beauté, une personnalité. Son aspect inachevé dans la facture du vêtement, avec le temps, ajoute encore à la personnalité de la femme. Ne reconnait-il pas, en 1512, « j’ignore ce qu’est la beauté. » Il se concentre sur l’être.
L’art n’est pas un espace de liberté. Le contraire, un lieu d’asservissement, de contraintes, d’obligations sans fin. Créer, ce n’est pas s’affranchir, c’est devenir esclave de tout ce qui fonde la création. L’impératif de la mode. La contrainte de l’imitation, il faut imiter le réel sous peine de ne rien exprimer. Imiter celui qui imite le réel. On s’enterre dans une prison aux murs épais, aux barreaux d’acier, on se terre, on copie sans relâche jusqu’à atteindre l’essence, l’âme enfin, celle qui est en nous, l’âme du génie. Celui qui ne s’évade d’une prison, que peut-il comprendre de la liberté ?
S’élever au-dessus du lot, faire différemment, vivre à Venise pour un allemand est un luxe exceptionnel. Son but, peindre et vendre son travail. Il dessine merveilleusement bien, un nuage dans le ciel, des cheveux au vent, des angles impossibles, des ondulations magiques, tout ceci lui est naturel. En revanche, ses couleurs sont allemandes. Pour lui, la couleur est secondaire, c’est la ligne qui fait la force. Ce sont ses gravures qui impressionnent, moins ses peintures. À la fin de son séjour, au début de novembre 1506, il passe à Bologne avec l’espoir d’apprendre les arcanes de la perspective. Il développe l’idée d’un secret autour de la géométrie lui paraissant ouvrir une nouvelle porte. Il croit à une proportion idéale divulguant un secret. À bien des égards, la perspective va fermer plus de portes que les ouvrir. L’espace construit remplace l’espace vécu et il faudra plusieurs siècles pour sortir de ce labyrinthe. Mais une croyance ancrée au fond de soi est un moteur dont tout créateur a besoin. Avec la perspective, une œuvre se suffit à elle-même en posant son espace propre. Il se trompe, ce n’est pas la perspective qu’il lui faut, ce qui le fascine, l’être humain, il ne sait peindre que cela. Il rend admirablement les objets quand il montre combien ils sont appropriés à la main de l’homme.
Le travail de celui qui s’exprime est de nous convaincre de la véracité de ce qu’il prétend. Le danger est de parvenir à persuader lors même qu’il n’y a pas d’expression. Une géométrie flatte l’œil, mais ne peut, en aucun cas, à elle seule donner un sens. L’expressionnisme dont regorge la peinture allemande manque cruellement à la peinture italienne. Quand une forme approche de la réalité au point qu’il devient enfantin de la reconnaître, on s’assure d’un message même s’il y en a aucun. Cela tient au fait que nous vivons en projetant du sens autour de nous. Il suffit d’une forme pour la remplir. La perspective est la logique de l’œil, la forme idéale qui se remplit d’elle-même puisque, reconnaissable, il est possible de la remplir à sa guise. Deux grands types d’art, celui que nous remplissons et celui qui nous remplit, deux moyens différents, deux personnalités distinctes, pour un résultat identique. Avant de revenir en Allemagne en janvier 1507, il reste quelques jours à Rome où il peint Jésus parmi les docteurs, terminé en septembre 1506. Une histoire racontée par saint Luc (II, 41/52), Jésus a 12 ans, il se rend au Temple pour parler aux maîtres.
On ne trouve pas ici la méticulosité à laquelle il nous habitue. Aucun décor, aucun corps, sept visages, huit mains, des doigts qui parlent, sept personnalités différentes, trois énormes bibles. Les sept péchés capitaux ne sont-ils pas créés par Dieu dont l’orgueil est le seul qui soit sans matière ? Sûrement pas un hasard si Jésus nous parle d’humilité à tout bout de champ. Dürer aime la théorie, il rêve d’écrire les livres décisifs sur les proportions justes, l’équilibre de l’âme, celle par qui tout arrive, la construzione legitima, la perspective, la volonté de placer tout ce qui existe dans sept parties, la géométrie divine, rien de moins que celle qui sert à créer le monde. Ses actes sont loin d’être modestes, mais ses paroles font souvent preuve d’une modestie redondante. Il se décrit comme le « pauvre peintre » ce qu’il n’est pas. Et quand il prétend se soumettre à la nature, il veut la contraindre à sa volonté. Tout ce qui ne se mesure pas ne peut exister.
À droite de Jésus, un homme, tenant un livre qu’il semble refermé sur une page précise, regarde dans notre direction, devant lui, un homme dont on ne voit pas les yeux, il se cache. Devant, un sage appuyé sur un livre semble rêver en levant les yeux. À droite, un sage chauve et à la longue barbe songe en regardant en bas, tout derrière, un homme à l’allure vive s’interroge. À gauche du Christ, lui parlant dans l’oreille, un être laid, presque répugnant, d’où le geste de retrait de Jésus. Un chef-d’œuvre comme si Albrecht avait voulu placer toute l’humanité dans son tableau. Il n’est pas loin d’y arriver. En touchant de son index droit le pouce gauche, Jésus fait le geste de l’énumération. Sept doigts sont ouverts, sept personnages, sept cas possibles, sept gouffres où sombrer.
Sur une feuille sortant d’un gros livre, on lit : Opus quinque dierum, travail réalisé en cinq jours. Une rodomontade, un temps si court en fait un virtuose absolu, un dieu vivant. Sept jours pour créer l’univers, cinq jours pour créer sept personnages et trois gros livres. Un Jésus aux longs cheveux ondulés au centre en train de réfléchir, des intellectuels autour cherchant à comprendre ce qu’ils sont incapables de voir, cinq jours pour montrer le centre de l’existence de Dürer, l’attention qu’il veut porter à lui. L’influence italienne est évidente. Les têtes caricaturales pourraient être de Léonard de Vinci dont on se plait à imaginer la rencontre, mais Dürer n’a jamais entendu parler de lui. Celui qu’il admire, Giovanni Bellini, pas grand-chose à voir. C’est oublier un peu vite la tradition allemande des visages finissant par dévorer toute la peinture en lui donnant une dimension unique. L’Allemagne cherche une ligne de fuite, elle manie l’expressionnisme comme personne. Vinci dessine des caricatures en quête de l’expression qui lui fait défaut.
Côté expression, Dürer n’a rien à apprendre de Vinci. Ces visages ne viennent pas d’Italie, mais du Nord. Erwin Panofsky, dans son Albrecht Dürer (1943), le dit : « Le Jésus de Dürer est plus proche du Christ devant Pilate de Bosch que de la sage composition italienne, mis à part le fait que, chez Dürer, la bonté de Jésus est une qualité positive pouvant prendre la forme de la beauté, tandis que dans le monde nocturne de Bosch, la bonté n’est rien d’autre que l’absence de mal et ne se traduit que par un masque vide d’expression. » Il faut peut-être chercher la véritable influence chez le génial Grünewald, l’un des plus grands maîtres de la peinture mondiale.
Dürer reconnaît un savoir-faire italien, il est bien placé pour savoir que la peinture qu’il matérialise vient des Flandres. En Italie, il cherche à se défaire de cette emprise, il veut quelque chose de nouveau lui permettant de prendre son envol, de dépasser ce qu’il connait, ce qu’il voit dans son pays. Ce n’est pas tant la perspective qu’il cherche, il sait qu’on peut s’en passer, il cherche la couleur, il cherche ce qui lui manque pour devenir un génie absolu, il se cherche. Il s’aperçoit que la couleur l’empêche d’être pleinement lui-même. Une peinture comme L’Adoration de la Sainte Trinité, réalisée en 1511, montre combien il est un coloriste accompli. Tout en bas, à droite, il s’est dessiné pour bien montrer qui a fait ce chef-d’œuvre dont il est fier. Mais en dehors de ce signe, cette peinture est plutôt impersonnelle, un poncif de la peinture réalisé à la perfection, mais sans plus. Dans ce genre de travail léché, le peintre ne se reconnaît pas.
Ce qu’il trouve en Italie, une vie confortable lui permettant de jouer le dandy avant l’heure avec des gens raffinés et instruits dont l’estime rejaillit sur son prestige. Il découvre la vie luxueuse dont les Allemands se méfient tant. Mais, en bon allemand, il compte ce qu’il dépense, tout pour lui a un prix. Il va jusqu’à apprendre à danser, il sait que c’est le meilleur moyen d’apprendre à se tenir comme il faut. Ce qu’il cherche, il le trouve dans le raffinement et le luxe, moins dans les œuvres de Bellini dont il est pourtant un admirateur convaincu. En Italie, Dürer devient un homme de qualité. Il le dit : « je suis devenu un gentilhomme à Venise… Ici je suis un seigneur, chez moi un parasite. » En surmontant son infériorité, il devient un Jésus entouré par les sages.
Les Allemands sont fous d’art, ils font des artistes des dieux. Le génial Altdorfer est riche, on lui a proposé le poste de bourgmestre. À Nuremberg, les choses sont différentes. Les artistes restent des artisans, on les met à une place en retrait, une place en tout cas qui n’est pas celle à laquelle aspire notre peintre. Il le dit à qui veut l’entendre, on lui a offert des ponts d’or en Italie, il les a refusés par amour de sa patrie. En réalité, il trouve en Allemagne ce qu’il ne trouve pas en Italie. L’argent n’est rien sans le pouvoir qui va avec. En Italie, son pouvoir est réduit. À Nuremberg, il explose.
En 1509, il achète sa maison dans un quartier d’artisans au pied du château. Aujourd’hui devenue musée, la maison se visite. L’intérieur n’a plus rien à voir avec ce qu’en a fait Dürer, mais l’extérieur révèle une maison en hauteur dépassant celles autour. Son ancien propriétaire l’a fait surélever pour se livrer à son occupation favorite, observer les étoiles. Mais il n’a pas pu en profiter, il meurt en 1504. Dürer achète la maison à ses héritiers. Il peut y installer son atelier et le matériel pour se livrer à la gravure. Sans enfants, il accueille juste sa mère qui meurt en 1514. Deux femmes accompagnent cet homme qui se plait à peindre des garçons.
C’est important d’être bourré de défauts. Quand on est capable de les voir, on apprend beaucoup sur l’humain. Le danger est de les projeter systématiquement sur les autres pour s’en débarrasser, l’avantage est d’utiliser un matériau d’une richesse infiniment plus grande que celle des qualités. Le défaut est un don de Dieu pour celui qui désire s’élever au-dessus de sa condition là où les qualités enferment à tout jamais les êtres dans ce qu’ils sont incapables de faire bouger. Pour discerner la fange dans laquelle on évolue, il faut une condition, pouvoir s’en hisser. On ne regarde pas un défaut comme une qualité, on s’ébaudit d’une qualité, on s’étonne d’un défaut trouvant sa place chez les autres, pas chez soi.
L’artiste est narcissique en plongeant en lui-même pour trouver l’expression de son œuvre. Rien n’est pire pour un créatif que l’aveuglement. Ce que l’on montre de soi dans son travail, on peut le cacher aux autres. L’artiste se plait à déclarer qu’il s’est inspiré de tel ou tel événement, de telle ou telle personne, seule importe la réaction qu’il développe en son for intérieur. La recherche du réalisme est un prétexte pour mieux admettre et comprendre ce que l’on est. Le problème au XVè siècle est qu’on ne travaille jamais seul. Des éléments étrangers viennent se fondre dans une expression personnelle jusqu’à la dissoudre en un fatras pompeux de représentations. Il faut du génie pour faire croire qu’une œuvre est universelle.
Au centre du tableau du Martyre des dix mille chrétiens, il s’est représenté accompagné de son ami Conrad Celtis, « humaniste allemand », deux personnages bien entendu étrangers à la scène. Albrecht nous regarde, souriant alors que Conrad est en train de lui expliquer quelque chose. Un martyre est une défaite terrible, c’est aussi, en même temps, une consécration. Ce paradoxe n’est jamais simple à montrer. Il faut montrer, au-delà de la scène d’horreur, tout ce qui est grandiose sans pour autant sombrer dans l’aspect sadique de la représentation. Ce tableau où domine la verticalité est un hymne à l’énergie. Les corps sacrifiés s’élèvent à l’instar d’une nature tout en hauteur.
En 1512, l’empereur Maximilien 1ercommande à Dürer des œuvres. Son premier geste est de dispenser le peintre de tout impôt et taxe. Le Conseil de la ville persuade le peintre d’un privilège exorbitant se justifiant du fait que l’empereur n’a guère d’argent pour financer l’art dont il a pourtant le plus grand besoin pour valoriser son image. Durant trois ans, il travaille pour rien, si ce n’est la gloire d’être employé par un empereur. Finalement, le 6 septembre 1515, il obtient une rente annuelle, une somme à prélever sur les impôts dont la ville est redevable à l’empire. Un salaire, pas un privilège pour la reconnaissance d’un talent. Les mesquineries d’un empereur soucieux de sa gloire. Le peintre n’est qu’un lointain collaborateur à la gloire d’un monarque. À la mort de l’empereur, en 1519, la ville fait savoir au peintre qu’elle ne lui paiera plus sa rente.
Désireux de retrouver une entrée d’argent auprès du nouvel empereur Charles Quint, le 12 juillet 1520, Dürer, accompagné de son épouse et de sa servante, part pour les Pays-Bas où il reste un an. Il séjourne dans une auberge dont le patron lui fait la cuisine alors que sa femme et sa servante mangent à l’étage les plats qu’elles cuisinent. Il passe ses journées à faire de longues excursions. Il en a laissé un Journal, un ensemble de notifications, il vaudrait mieux dire. Une foule de petits détails sans intérêt, rien à voir avec la peinture. Avec sa plume, il ne parvient jamais à nous émouvoir ou à nous intéresser si ce n’est d’essayer de suivre les pérégrinations d’un peintre de génie. Il est obsédé par ce qu’il dépense. Il est pourtant accueilli à brase ouverts par ses collègues flamands qui ont le cœur sur la main, pas lui. Un homme qui vit au-dessus de ses moyens finit toujours par abuser des autres.
Son but est intéressé, se rendre là où il peut trouver les bonnes personnes pour faire confirmer auprès de l’empereur la pension qui vient de lui être allouée. Un goût évident pour le voyage, mais il a besoin de raisons pour bouger. Il arrive à Anvers un 3 août. Il y place son lieu de séjour d’où il peut facilement rayonner. Il emmène avec lui une grande quantité de gravures qui lui servent de cadeaux et de rentrée financière, le peintre se fait voyageur de commerce. Un échec, Dürer parle de déficit, toujours ces dépenses. En voyage dans les marais de Zélande pour observer une baleine échouée qu’il ne verra finalement pas, emportée par la marée, il attrape le paludisme qui va le briser.
En dehors de quelques portraits, la seule peinture qui nous soit parvenue est le Saint Jérôme, une œuvre exceptionnelle achevée en mars 1521. La tête du saint occupe une place importante avec sa longue barbe blanche. De sa main gauche, il pointe l’index sur une tête de mort. On voit dans ce portrait l’influence de Quentin Metsys alors le grand maître flamand, mais la tête de mort est son invention. Ce n’est pas à proprement parler une vanité puisque l’on trouve un crucifix tout en haut à gauche, un livre ouvert, la bible et une plume pour écrire la traduction. Tout ce que fait Jérôme est vital, au moins aux yeux d’un chrétien. Si toutes les choses terrestres sont périssables, tout ce que nous montre Dürer est censé être éternel. La main gauche du saint repose sur sa tête et l’index touche le même endroit que celui du crâne. Ne veut-il pas signifier que c’est à partir d’une matière inerte que nous concevons le spirituel qui seul peut nous élever au-dessus de notre condition de mortel ? Il ne s’agirait donc pas d’une vanité, mais de dévoiler que c’est à nous, pauvres humains, de transformer la matière brute en une révélation.
L’artiste sait combien il est dangereux de ne vivre que pour son art. En 1521, il prend parti pour Luther, une conviction qu’il a acquise dès 1519. Il l’appelle son « cher bienfaiteur et son soutien » sans que l’on sache pourquoi. Les humanistes prennent parti pour la Réforme, au moins à ses débuts. Luther attaque une église scolastique croulant sous son poids. Le refus d’un faste inutile prenant le pas sur ce qui est vraiment important. L’indulgence qu’on achète pour obtenir son petit bout de paradis, le culte de Marie hissée au rang de divinité (au début, Luther ne s’oppose pas à la vénération de la Vierge) et celui des saints, une église gouvernée par le financier paradant un luxe exorbitant, un clergé accaparant des pouvoirs auxquels il n’a pas droit, sont une insulte à la foi. Un pouvoir religieux devenant politique. Des abus trop visibles entrainent une protestation, une indignation faudrait-il dire, contre des intermédiaires parasites. Mais Luther va trop loin. Il condamne l’image, encourage sa destruction. L’image est profane, elle n’a pas sa place dans une église. Le retable, apport allemand et néerlandais, est condamné à disparaître, une des formes les plus vivantes de l’art doit faire place à de nouvelles formes. Ces excès amènent des intellectuels à prendre leur distance vis-à-vis de la Réforme.
Les Quatre apôtres sont un prétexte pour montrer quatre types humains. Quatre liquides coulent dans le corps, le sang, le flegme, la bile jaune et la bile noire, d’où les quatre humeurs. Saint Jean l’évangéliste lisant l’évangile, le sanguin correspondant au printemps, saint Pierre tenant sa clé, le lymphatique, l’hiver, à gauche, saint Marc l’évangéliste tenant un manuscrit roulé (il ne fait pas partie des douze apôtres), le colérique, l’été, et saint Paul tenant un livre et une épée, le mélancolique, l’automne, à droite, dernier tempérament auquel le peintre est convaincu d’appartenir par son insatisfaction permanente et l’accablement de tous les tourments de la terre. Sûrement quelqu’un qui a du mal à s’exprimer, qui est donc fasciné par ceux qui ont l’art de raconter et d’expliquer. Il pense que tout est question d’équilibre et qu’en réunissant les quatre humeurs, tout va tout de suite mieux. Dürer est un croyant sincère, admirateur de Luther, il n’empêche qu’il déteste le fanatisme. Les quatre personnages sont là pour nous apprendre à maîtriser nos tempéraments et à les utiliser pour voir, non pour s’aveugler. Ce qui est incompréhensible est d’avoir divisé ce tableau en deux parties distinctes alors qu’il s’agit à l’évidence d’une seule et même œuvre se suffisant à elle-même et non les parties latérales d’un triptyque.
L’histoire de l’art n’est pas un jeu de dominos s’entrainant les uns aux autres où en trouvant le premier, on découvre le deuxième, un liste d’artistes s’emboitant pour la satisfaction de quelques exégètes. Plusieurs artistes ont la même idée en même temps, l’air du temps, ils l’exploitent différemment, l’air du vent. Celui qu’on retient n’est pas forcément le meilleur, celui qui sait le mieux se faire voir. Le génie n’est rien sans sa mise en forme. Dès son origine, la peinture allemande s’est orientée vers un naturalisme expressif que poursuit Dürer après avoir assimilé l’art du Quattrocento. Il n’y a pas d’art sans rencontre, mixité et assimilation, la pureté est la déchéance de l’être, l’impureté, son mouvement, son avenir, un être sans futur n’a pas d’art. Une voie, l’être humain fait exploser le cadre étroit de son espace de vie en absorbant ce qu’il trouve autour de lui, ce qui élève, affaisse, ce qui raisonne, déraisonne, fusion de l’intérieur et de l’extérieur, une intimité avant une nouvelle éclosion, une dispersion.
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13 Responses to “Albrecht Dürer (1471-1528)”Trackbacks
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[…] Avec une formation d'orfèvre, il est destiné à remplacer son père, pourtant, celui-ci accepte sa vocation. Fin novembre … A-t-il résidé en Allemagne auprès du maître E. S. […]
hum oui intéressant toute c’est histoire lesannées 1400 ont été un tournant pour la penture à cette époque
je ne voyais pas le commentaire, désolée de te répondre tardivement. oui, tu as raison, un tournant important pour l’histoire européenne
hum aimez vous la penture suivez la !!
Quand Dürer descend pour la première fois en Italie (octobre 1494), c’est un jeune home de vingt-trois ans, qui ressent la nécessité de compléter sa formation première et d’entrer en contact avec le souvenir de l’Antiquité classique, les universités, les centres de l’humanisme, les peintres célèbres de la fin du Quattrocento, tels que Mantegna et Giovanni Bellini. Parallèlement à ce que fait Léonard à la même époque, Dürer ressent le désir de pénétrer les secrets du monde naturel, de s’emparer des merveilles de la nature et de les maîtriser par le dessin et la peinture. Durant les mois passés en Italie, essentiellement à Venise mais avec d’importantes étapes à Trente, à Padoue, à Mantoue et à Crémone, Dürer travaille peu et observe beaucoup. Il admire les chefs-d’œuvre des églises et palais, il étudie l’art antique, non seulement à travers les quelques exemples de sculptures disponibles mais aussi par le biais des gravures de Mantegna et de Pollaiolo. On peut dater de l’année du premier voyage à Venise, certains dessins tirés plus ou moins directement des gravures classiques de Mantegna ou de Pollaiolo. Ils sont le fruit d’un intérêt déjà mûri dans le grand centre d’édition et de gravure qu’était Nuremberg et au contact du milieu érudit des humanistes où l’avait introduit son noble contemporain et ami, Willibald Pirckheimer, qui étudiait les lettres et le droit à Pavie et à Padoue. La ligne vibrante et incisive de ces modèles inspirés de la statuaire antique, la tension dynamique qu’ils renferment, exercent une impression définitive sur sa sensibilité de dessinateur et de graveur, plus encore que de peintre. C’est un séjour d’approfondissement pendant lequel Dürer subsiste en vendant des gravures, les siennes et celles d’autres artistes.
désolée, le commentaire était passé dans les indésirables. merci pour ces précisions utiles
Vous aviez répondu à la question que vous m’avez posée par ailleurs concernant le voyage de Jérôme à Venise : « Avec Dürer s’installe la mode de faire son voyage initiatique en Italie pour un peintre. »
Je vous confirme (ou vous informe ?) que l’Albert et le Jérôme ne s’aimaient pas bien…
Et nous avons choisi notre camp.
« Être n’est jamais évident. »
Merci pour cet éclairage…
grâce à vous, j’ai découvert une question importante à comprendre. bien entendu, je n’ai pas de réponse, en existe-t-il une ?? en tout cas, un débat passionnant en perspective. Jérôme se sent sans doute allemand sa famille étant originaire d’Aix-la-Chapelle, van Aken. comme tout homme cherche ses origines, il est probable qu’il se soit penché sur l’Allemagne, d’autant plus qu’à cette époque l’Italie n’a pas encore le renom qu’elle va conquérir par la suite. j’ai de plus en plus l’impression qu’avec Bosch, ce n’est pas tant lui que nous devons fouiller que notre mentalité cloisonnée dans des schémas modernes qui, parfois, nous aveuglent en nous éblouissant. je ne peux pas expliquer l’attitude de Dürer par de l’indifférence, il y a donc sûrement une raison à découvrir, peut-être le point de départ d’une histoire qu’il nous reste à construire, ne croyez-vous pas ?
Jeroen van Aken, vers 1500, décide de s’appeler Jheronimus Bosch. Il revendique par là même, me semble-t-il, sa « latinité » et son appartenance au Brabant et à sa ville. C’est une rupture forte avec les siens et ses origines. L’attachement à SA ville est essentiel, comme pour un certain « Italien », déjà fort connu et son contemporain : Leonardo da Vinci… Et le voyage en Italie suit…
L’indifférence de AD envers JB ne me semble, comme à vous, peu plausible : mais la jalousie ? Pour AD JB est un vieux. On connaît la capacité de la jeunesse à renier la génération d’avant… Tous les peintres ne sont pas comme Rafaello, respectueux et admiratifs de leurs prédécesseurs. Il nous reste à élaborer cette hypothèse ou à en construire une autre, j’en suis bien d’accord…
Mais je termine pour l’instant ma suite et fin de l’analyse du JD à mettre sur mon blog (enfin !)
Dur, être évident et vide, amant !
dur de faire mieux, dur le Hit !
Bonjour,
Connaissez-vous le lien familial entre Agnès Frey et la famille Holzschuher ?
Merci
désolée, mais je ne connais pas ce rapport. comment pouvez-vous savoir qu’il en existe un ?