Les femmes artistes et la maternité
Ce petit article essaye simplement de mettre bout à bout des témoignages de femmes artistes pour essayer de donner corps à un problème très compliqué du fait de la rareté des confessions. La maternité est une telle évidence que la femme éprouve des difficultés à exprimer ce qu’elle croit être des déviances. Dès qu’une femme exprime ce que l’on n’attend pas d’elle, elle provoque des réactions violentes autant de la part des hommes que des autres femmes qu’elle préfère éviter. D’où la rareté de l’aveu. Cet article ne peut donc avoir d’autre prétention que d’être une ébauche.
Si chaque femme a sa façon de vivre sa féminité, la grossesse et la maternité ont également une dimension culturelle. Ce sont ces deux événements, assurant la pérennité d’une société, qui fondent la place de la femme dans une civilisation. La femme ne pouvant ou ne voulant assurer sa fonction reproductrice se retrouve dans une marginalité qui l’exclut plus ou moins de la société.
La grossesse est une fatigue, une contrainte voire une douleur pour certaines que l’instinct maternel permet de mener à son terme. La maternité est l’état naturel de la femme une fois que son enfant est au monde, mais il n’est pas obligatoire comme le montrent de nombreux indices. Beaucoup de femmes, après la naissance, rejettent leur maternité et essayent de continuer à vivre comme si de rien n’était provoquant ainsi une douleur intense à leurs enfants qui se sentent rejetés.
Durant la grossesse, la femme perd le contrôle de son corps. Elle met de côté sa séduction pour devenir une caricature de femme avec des formes amplifiées. Les femmes parlent de grossesse comme d’un cheminement obligatoire à leur féminité et de maternité comme de l’aboutissement de leur vie. En réalité, si la grossesse est un bonheur pour certaines, pour d’autres c’est une corvée, voire un drame, dans tous les cas, c’est une rupture avec l’idée que se fait une femme d’elle-même jusque-là.
La grossesse, perçue comme un devoir de féminité, est exprimée par une mythologie du bonheur où la réalité de la femme est travestie par sa fonction reproductrice. La femme enceinte abandonne tout vêtement masculin pour adopter la tenue adaptée à son état. En accentuant son image, elle se place au cœur de l’attention des autres, elle exprime un besoin de sécurité.
Une expérience de femme passe par un certain dégoût de son être. Que vais-je devenir ? Vais-je retrouver mon physique d’avant ? Y aura-t-il des conséquences irrémédiables sur mon avenir de femme ? L’homme va-t-il continuer à m’aimer comme avant ?
La femme se sent diminuée face à la tyrannie de son corps. Le rôle de l’homme est primordial dans cette épreuve en la soutenant. Une grossesse vécue seule est une épreuve évidemment plus pénible. Si la plupart des couples vivent la grossesse comme un événement heureux, ce n’est pas le cas de tous. Si la femme supporte difficilement sa grossesse, l’homme peut également, parfois, exprimer un rejet de la femme, du moins une mise à l’écart qui accroît sa déchéance.
L’artiste soucieux de sa créativité n’est pas aussi présent que l’homme familial qui attend l’événement avec impatience, qui fait corps avec son épouse. La femme qui doit se battre seule aura tendance à rejeter le père et le rôle de l’homme. Suzanne Valadon (1865-1938) n’a jamais dit à personne qui est le père de Maurice, futur Utrillo. L’homme reste lié au plaisir et à l’amitié, mais ne fait plus partie de l’amour de la femme : son enfant devient le seul être d’amour légitime.
L’accouchement est perçu plus comme une libération que comme un aboutissement. L’angoisse de la douleur est un frein à cette libération, mais elle est accessoire. La douleur est multiple, physique, mais surtout psychologique en ce que toutes les craintes féminines se trouvent exacerbées dans l’attente de ce qui va sortir. Si de nos jours, un accouchement réussi implique une prise en charge médicale et psychologique, autrefois l’accouchement avait lieu dans une famille où la femme recevait en plus du soutien d’une sage-femme celui de ses consoeurs. La douleur est le fait d’un accouchement mal préparé et non d’un prétendu destin féminin à la souffrance comme pour la punir de cet immense pouvoir de donner la vie.
La fragilité féminine est psychologique et morale plus que physique. Il est normal de surprotéger une femme enceinte quand on confond fatigue à fragilité, mais la fatigue passagère n’est en rien une fragilité et trop de sécurité finit par la fermer à sa réalité ce qui a pour effet de plus la fragiliser encore. Cette femme fragile et soumise est un mythe qui plaît à beaucoup d’hommes.
C’est dans l’attente de l’accouchement, période allant de 6 à 12 heures en moyenne, que la femme voit grandir son angoisse surtout quand elle est entourée d’autres femmes. Certaines peuvent hurler à la mort, d’autres restent plus équilibrées, c’est une question de personnalité. Cette attente interminable est une épreuve.
En dehors d’une pathologie spécifique lors de l’accouchement, la femme qui souffre est un mythe masculin. Donner naissance implique un gros effort pour la femme, voire une peine, pas une souffrance. Une femme qui se sent abandonnée par l’homme et les siens exprime une douleur morale qui n’est pas propre à l’accouchement, mais à ses conséquences.
Beaucoup de femmes artistes expriment une grande solitude lors de leur grossesse parce qu’elles se sentent impuissantes. Non seulement le compagnon la néglige, mais elle délaisse son compagnon à qui elle ne veut pas montrer ce qu’elle estime être la déchéance de son corps et son activité créatrice se réduit à mesure que son état avance.
Le sentiment de déchéance d’une femme se produit au début et à la fin de la grossesse. Ce sentiment est généralement équilibré par un sentiment de bonheur se traduisant par un bien-être et une intense satisfaction intérieure.
La libération de la grossesse s’accompagne-t-elle d’un désir de création artistique ? Quand l’enfant prend forme aux yeux de la mère, c’est l’instinct maternel qui domine la femme. Le cas de rejet de l’enfant dès la naissance existe si la femme n’a pas un instinct maternel suffisamment développé. Tout dépend de son environnement proche. Si l’environnement est favorable, une femme, même avec un faible instinct maternel, exprime de l’amour pour son enfant, du moins aux yeux des autres. La prise en charge familiale fait le reste. La femme entre dans le moule de son rôle de maman.
De son côté, juste après la naissance, l’homme peut parfois refuser sa paternité en rejetant autant la femme que l’enfant. Cette incapacité d’accepter son rôle de mère ou de père est un phénomène plus fréquent qu’on ne le croit, mais peu avoué. S’il suffit au père de fuir ou de se rendre absent, la mère doit garder son enfant et s’en occuper jusqu’à un certain point (à moins qu’il n’y ait abandon). Si la mère garde l’enfant, elle rejette sans cesse ses problèmes sur lui.
Si l’environnement est défavorable, plusieurs possibilités s’offrent à la femme. Dans certains cas extrêmes, l’enfant focalise tout ce qui empêche la femme de retrouver son état passé, sa fraîcheur de jeune fille. En somme, l’enfant est voleur du passé de la femme qui rejette alors la jeunesse de l’enfant se trouvant ainsi, dès son plus jeune âge, obliger d’entrer dans une maturité qui n’est pas la sienne. Se disant victime de son enfant, la mère se transforme en espèce de bourreau.
Le sentiment exprimé est que l’enfant qui sort du ventre de la mère emporte avec lui une partie de la vitalité d’une femme. La femme, incapable de faire la part des choses, se sent flouée par son enfant. Une mère équilibrée comprend la folie d’une telle émotion, mais une femme fragilisée non seulement ne comprend pas cette subjectivité, mais peut aller jusqu’à l’entretenir nourrissant du coup de graves conflits psychologiques.
Ces conflits peuvent entretenir une créativité, mais, le plus souvent, non.
La grossesse n’est pas un handicap pour la femme. Elle peut en connaître plusieurs et conserver son énergie. Une femme solide récupère très vite et retrouve son aspect antérieur avec juste un peu d’effort. La grossesse est une peine passagère. Si problème il y a, il vient de la maternité et du besoin de s’occuper de ses enfants. Une femme s’enrichit en élevant ses enfants, mais elle perd le temps nécessaire au travail créatif.
D’après des témoignages, l’accouchement n’est pas une source d’inspiration pour la femme. C’est l’homme qui exprime l’idée qu’il accouche sa création artistique. La femme a plutôt l’idée que l’accouchement va à l’encontre de sa créativité. L’accouchement n’est pas une création. L’homme artiste s’étend sur l’idée que sa création est enfantée dans la douleur même si ce n’est pas vrai. Il est hanté par l’idée d’accouchement. La femme est plutôt hantée par sa maternité.
La maternité est un instinct, pas un mode d’emploi d’où une grande subjectivité quant à la définir. Certaines femmes croient nécessaire d’accentuer les traits du sentiment maternel jusqu’à l’outrance cachant ainsi un désarroi inexprimable. Les femmes qui parlent de leur maternité présentent une image raisonnable d’elles-mêmes soucieuse d’éviter toute contradiction. Chaque femme se fait l’idée de sa maternité qui arrange sa famille, son milieu social et culturel.
La femme exprimant une maternité est une femme parfaite aux yeux des hommes puisqu’elle semble ne s’intéresser qu’à ce qui tourne autour de sa féminité. Cette maternité est d’abord celle que veulent les hommes. Le rôle de la femme est réduit à un instinct. La femme artiste est une femme considérée comme imparfaite, voire en cours de réalisation. Elle s’ouvre à un univers intuitif dont le rôle est contesté par l’homme.
La créativité dans son expression démesurée est un phénomène de jeunesse. Elle déteste l’idée du vieillissement. Pour une femme artiste, l’accouchement étant une preuve de son vieillissement, elle peut en rejeter l’idée et le souvenir. Après l’accouchement, la femme est divisée entre son désir de redevenir une jeune fille insouciante et celui de devenir une mère responsable et aimante. La femme, par la force des choses, entretient un comportement ambigu.
« L’artiste en elle refuse la maternité. Mais, en tant que femme, elle aime son enfant. C’est un drame intérieur qu’ont les femmes aujourd’hui aussi. (Kristín Marja Baldursdóttir, femme écrivain islandaise) ». Il existe une richesse féminine méconnue parce qu’elle va à l’encontre de la mère idéale. La création est une désobéissance, elle repose sur une ambiguïté et cette ambiguïté est plus difficile à vivre pour une femme que pour un homme.
Plus la femme connaît sa grossesse tôt, plus ses espoirs de créativité restent intacts. Plus la femme est jeune, moins sa grossesse n’a de conséquences quant à son évolution artistique à condition d’avoir les moyens financiers de sa maternité. Une femme reproduit les conditions idéales de sa maternité plus dans sa tête que dans la réalité. Elle exprime plus qu’elle ne fait en réalité. Ce n’est pas la maternité vécue qui est source d’inspiration, mais celle que la femme a dans sa tête. Si la première inspiration d’une femme artiste est une maternité idéale, la vraie inspiration d’une femme est un univers d’ambiguïtés lui permettant de subtilement naviguer entre plusieurs sentiments.
Un être porte en lui un potentiel créatif. L’homme reste libre de son expression et de son corps. La femme n’est libre ni de son expression, ni de son corps. Un environnement moral défavorable est ressenti plus douloureusement par une femme que par un homme, c’est une évidence. Là où un homme compose fièrement, la femme doit composer avec les autres. Elle doit trouver la place la moins inconfortable, du moins aux yeux des autres.
Le père de Camille Claudel encourage l’originalité de sa fille, son frère Paul également, mais la société se fait une idée exiguë de la femme. Camille s’exprime librement, mais elle ne tarde pas à se heurter de plein fouet avec la morale bourgeoise de son époque où une femme de son rang social est une femme mariée destinée à assumer son rôle de mère. Camille n’a pas de position sociale. Délaissée par Rodin, elle se sent obligée d’avorter sans que cela signifie un reniement de sa maternité, mais une volonté de continuer son oeuvre. On peut souhaiter avorter si l’on se sent rejeter par l’homme sans nier pour autant sa féminité.
Paradoxalement, alors que la société féodale tolérait une femme émancipée, du moins dans le monde aristocratique, la révolution bourgeoise de 1789 a enfermé la femme dans un rôle exclusif de mère au foyer et de travailleuse au service de la société masculine. Tout le XIXè siècle oblige la femme à un rôle subalterne vis-à-vis de l’homme. La femme n’ayant aucune indépendance n’existe que par le mariage et son statut de mère. C’est durant ce siècle misogyne que va naître la femme artiste telle que nous la connaissons aujourd’hui.
Pour se démarquer des hommes, la femme doit faire preuve d’une imagination dont sont capables peu d’hommes. Pour exister, elle doit faire mieux que l’homme tout en se démarquant des autres femmes plus acharnées que les hommes à leur conformisme. Tout le temps que doit passer une femme à se faire reconnaître comme artiste aux yeux de la société est perdu pour son travail créatif.
La condition familiale et sociale de l’environnement d’une femme est primordiale. Une famille riche à l’esprit ouvert est évidemment un atout déterminant. Certaines femmes de condition plus modeste parviennent à entrer dans le monde des artistes notamment en devenant modèle et en trouvant un admirateur, mais elles restent un cas particulier. L’expression de la femme est aussi celle d’une classe sociale et cette classe s’exprime par l’intermédiaire d’une famille.
Pour beaucoup de femmes artistes, la masculinité est un refuge et un confort. Bisexualité et lesbianisme sont fréquents parmi les artistes. La femme artiste se sent prisonnière de sa féminité et sa première révolte est dirigée non contre cette féminité, mais contre celle qui est imposée par l’homme. Les femmes ne cherchent pas à agresser les hommes, mais l’image de la femme que leur société leur impose. La femme est prête à accepter sa féminité, pas celle des hommes.
Vivant dans un univers composé essentiellement d’hommes, la masculinisation est un phénomène somme toute naturel. Un artiste n’est pas un sexe, mais une sensibilité. Un garçon est entraîné dès son plus jeune âge à exploiter sa sensibilité, pas une fille. Une femme de talent s’éloigne de tout ce qui nie son expression. L’être artistique de la femme cherche à se singulariser, mais par des qualités féminines que les hommes ne cherchent même pas à comprendre. La femme n’a d’autre choix que de se plier aux exigences de la société dans laquelle elle vit. Elle adopte le modèle qui semble convenir le mieux à sa créativité. Elle ne choisit pas la personnalité qui lui plait, mais celle qui la contraint le moins possible.
L’homme artiste joue sans vergogne avec son sexe qu’il porte avec fierté. La femme supporte son sexe qu’elle contourne par une sensibilité exacerbée. L’homme assiège les consciences, la femme les entoure de mille subterfuges. L’homme artiste joue avec sa sensibilité, la femme artiste cherche surtout à composer avec elle. L’homme se lâche dans sa création alors que la femme doit rester plus mesurée.
Un artiste homme est une provocation dans la vie sociale et morale. Une femme artiste doit assumer une provocation encore plus forte dans une société qui la contraint à un rôle limité. L’homme artiste choque la société, mais finit par trouver sa place une fois reconnu. La femme artiste trouve plus difficilement sa place. Certes les choses ont changé durant le XXè siècle, mais croire que la créativité d’une femme a trouvé sa place dans notre société est une vue de l’esprit. La plupart des femmes artistes sentent plus autour d’elles un frein qu’un véritable épanouissement du moins si elles ne trouvent pas de reconnaissance sociale.
L’homme artiste a une latitude plus grande que son homologue féminin encourant le rejet. L’évolution, c’est le travail des femmes et leur accès aux plus hautes fonctions, devenant ainsi capables d’assumer une provocation artistique. Mais il ne faut pas se leurrer, beaucoup de femmes ne réussissent leur carrière professionnelle qu’en abandonnant une partie de leur richesse féminine faisant ainsi d’elles les pires ennemies des femmes artistes. Ces femmes arrivées aux plus hautes fonctions sont souvent encore plus conservatrices que les hommes.
La valeur d’un être se mesure aux nombres de risques pris. Les risques encourus par la femme l’obligent le plus souvent à rester dans les limites du correct pour ne pas encourir un rejet trop douloureux. Une femme libre est un danger pour la fonction reproductrice d’une société. Toutes les femmes n’ont pas besoin d’être libres, seules celles qui le demandent méritent de l’être, elles sont une minorité.
Le problème de l’artiste n’est pas de créer, mais de continuer à créer. Cette continuité implique une reconnaissance sociale. Certaines femmes acceptent un mariage d’intérêt si elles sentent que l’homme est prêt à subvenir à leur besoin sans les obliger à trop de conventions. Dans l’histoire des femmes artistes, on trouve fréquemment ces femmes soutenues par un homme quitte à en payer le prix par l’abandon de leur nom et leur mise en retrait par l’homme dominant. La femme accepte cette situation quand elle n’a pas d’autres choix. L’homme n’est pas un monstre qui étouffe la créativité de la femme, mais lui-même n’a ni le moyen, ni le courage d’imposer la personne aimée aux yeux de la société.
L’homme ne passe pas son temps à écraser la femme. Quand il prend conscience de la nature féminine, il en devient le meilleur allié. Mais certaines occupations intellectuelles et artistiques sont mal perçues non seulement pour la femme, mais aussi pour l’homme. L’activité artistique est vue comme improductive, donc inutile au maintien de la société. Qu’une femme puisse se livrer à pareille activité d’apparence oisive semble plus anormal que pour un homme.
Ce qui a changé durant le XXè siècle, ce n’est pas seulement le statut de la femme devenue être à part entière, mais également celui de l’art reconnu comme une valeur financière. La société bourgeoise ne tolère pas l’oisiveté apparente de l’art, mais encense la plus-value et peu importe l’artiste qui en est à l’origine.
La femme a une image pratique et utile. La femme est héroïne dans une histoire d’hommes, mais l’homme est plus difficilement un héros dans une histoire de femmes. La vision des femmes conteste l’image héroïque de l’homme. Parce qu’elles en ont une vision plus intime ? Le réalisme féminin est dérangeant pour les hommes. La sensibilité féminine peut s’illusionner sur la nature de l’homme, mais le plus souvent, elle pose un regard pénétrant parfois critique.
Ce n’est pas l’expression de la femme qui est limitée, mais c’est ce que l’on attend d’elle qui est étroit. Quand une femme se sent par trop incomprise, il est normal qu’elle finisse par se taire. Le manque d’agressivité de la femme fait souvent qu’elle ne se sent pas de taille à batailler pour se faire reconnaître au-delà de l’image idéalisée que se font les hommes à son sujet.
Si l’histoire de l’art est pleine de personnalités plus ou moins créatrices, l’histoire des femmes artistes ne montre que les plus exceptionnelles. Beaucoup de femmes possédant un vrai talent, mais n’ayant pas accepté leur marginalité ou n’ayant pas trouvé d’appui suffisant ont disparu laissant un grand vide qui donne la fausse impression que les femmes sont moins créatrices que les hommes. Cette histoire étant perdue à tout jamais, ces femmes courageuses qui ont eu moins de chance que les autres ne nous seront jamais connues. C’est une perte considérable pour comprendre la singularité et la richesse de la créativité des femmes.
Votre texte contient des éléments intéressants et d’autres sont des clichés féministes dépassés de l’époque de Simone de Beauvoir. En 2011, la maternité est devenue un nouveau sujet de revendication féministe. Les femmes en ont assez de ce féminisme qui considérait la maternité comme une aliénation. Les nouvelles féministes font du militantisme pro-allaitement, accouchent sans péridurale et exibent leur ventre avec fierté et n’ont plus envie de sacrifier l’expérience de la maternité pour le carriérisme du monde masculin. La féministe de 2011 revendique son droit d’être une femme.
Les féministes du passé adoptaient une attitude et un mode de vie masculin. Frida Kahlo est un bon exemple de la femme artistes qui se masculinisait. Bisexuelle, Frida portait des habits d’homme au début de sa carrière. Lorsque son mari, le Peintre Diego Rivera (dont elle vivait dans l’ombre), la trompa avec sa soeur, ils vécurent une période de séparation. Frida se peignit en complet d’homme, avec les cheveux courts, avec ses cheveux éparpillés sur le sol. Devenir un homme était le moyen d’être libre et indépendante. Diego préférait la voir avec les robes d’indiennes et les cheveux longs. Frida, fut toujours ambivalente sur sa féminité, mais demeurait tout de même obsédée par la maternité (elle n’a jamais pu avoir d’enfant). La maternité était un symbole omniprésent dans son oeuvre.
La création est liée à l’instinct. Chez la femme artiste, la création sublime le besoin de donner la vie. Vous ferez tous les discours féministes que vous voulez, mais la femme a la maternité inscrite dans sa chair. Pour la femme artiste, renoncer à la maternité pour poursuivre sa carrière, ne se fait jamais sans une douleur plus ou moins avouée. Le tout se passe au niveau de l’inconscient. Freud accordait beaucoup d’importance à la sublimation de la sexualité dans la création artistique. Mais pour la femme, c’est bien plus que cela. La sexualité n’est que le commencement du processus. La maternité est la finalité.
La femme artiste est d’abord et avant tout une femme de carrière. Et cette carrière impose des contraintes souvent incompatibles avec la maternité: nécessité de voyager à l’étranger pendant plusieurs mois pour exposer et suivre des formations, sacrifices financiers et difficulté à trouver un conjoint stable dans le milieux artistique. De nombreux hommes artistes sont des être libres qui n’aiment pas beaucoup l’engagement et les contraintes.
L’art des femmes et différent de celui des hommes. Dans le milieux de l’art contemporain, qui a tendance à tout « intellectualiser », l’art plus intuitif est émotif des femmes est mal perçu. En 2011, le milieux artistique est encore dominé par les hommes, et les femmes doivent encore renier une part d’elles-mêmes pour être acceptée. Elles doivent créer de la même façon que les hommes. Les femmes sont beaucoup plus attirée par le contact avec la matière et le corps. Les femmes sont très présentes dans l’art performance et des oeuvres faites de matériaux tels que le textile, l’argile, la peinture, etc. Même abstraites, leurs oeuvres font souvent penser à des utérus, à des nids, etc.
Ces femmes artistes ont souvent renoncées à la maternité. La maternité pourrait ralentir, voire même mettre fin à leur carrière artistique. Mais elles vivent un conflit intérieur insoluble.
en fait, je suis assez d’accord avec vous. ce texte est ancien, depuis j’ai travaillé sur des femmes artistes dont Frida Kahlo et d’autres qui m’ont fait changer mon point de vue, à ce moment, je le reconnais, assez limité. je suis surtout fascinée par la nature de l’art féminin donc je m’étais arrêtée sur ce problème de la maternité que j’ai repris par la suite en m’apercevant que la maternité est une réalité du XXè siècle, quasiment ignorée des siècles précédents. à cette époque, ce texte était un jalon utile pour moi. cela dit, la femme attirée par le textile opposée à l’homme attiré par l’acier et la pierre est également un cliché quand on voit, par exemple, Claudel et Louise Bourgeois. le monde de la mode, du textile, est dominé par les hommes, je crois. la maternité est-elle au cœur de la créativité féminine ? J’en suis de moins en moins sûre, ce sont surtout les hommes qui disent ça. la maternité est un moment crucial de la féminité, pas forcément de sa créativité, mais bon, la discussion est ouverte. en tout cas, merci beaucoup pour ce commentaire très intéressant.
Bonjour, il est vrai que je répond parfois très en retard à des textes sur des blogs lorsque le sujet m’interpelle. J’ai fait mes études en Beaux-Arts et j’ai un enfant. J’ai connu personellement des femmes artistes qui n’ont pas d’enfant, car elles sacrifient tout pour leur carrière. Au début c’est amusant, mais en vieillissant je crois qu’elles développent une certaine amertume. Quand je parlais de l’art textile, je ne faisait pas référence au design de mode, mais plutôt un choix de matériau en sculpture contemporaine. C’est cela que je faisais avant. Bien entendu, une femme peut travailler le métal et la pierre, tout en exprimant quelque chose de très féminin. J’ai un peu de difficulté à exprimer ce que je veu dire. Cela se passe dans le langage non verbal. Souvent, il émerge un sens à une oeuvre, qui échappe à l’artiste. En art contemporain, les hommes artistes se moquent encore souvent des créations féminines. Je crois sincèrement que nous sommes différents, les hommes et les femmes.
merci pour ces précisions. de toute façon, le sujet est vraiment très compliqué et je n’ai pas de réponse et je ne suis même pas sûre qu’il en existe une. la seule vraie réponse qu’on puisse donner, c’est de créer soi-même et d’observer les réactions sur les spectateurs. en tant que femme, j’ai une sensibilité féminine, mais ça ne m’empêche nullement d’apprécier très profondément des œuvres masculines auxquelles je me sens très proche. il m’arrive aussi de me sentir éloignée d’œuvres féminines. je ne peux pas expliquer pourquoi.